26 juil. 2009

Ici et maintenant

1.
Je suis loin du flot que j'ai pu avoir en avril, lorsque j'ai commencé à écrire ces deux textes. Je passais une période difficile et ils répondaient à un profond malaise. Je ne pensais pas alors que je les conduirais où ils en sont maintenant.
En mai, je les ai laissés de côté. J'étais à Londres et puis ici & là. J'étais essoré, vidé. En juin, j'ai pris conscience qu'ils pouvaient devenir autre chose. J'y ai travaillé dessus, sans l'énergie du début, d'une façon plus mesurée, moins passionnelle, comme tout homme qui travaille quotidiennement à sa tâche. La semaine qui vient de se finir a été riche. J'ai dans l'espoir d'avoir enfin le déroulement de ma narration. Auparavant, je naviguais un peu à vue. La structure s'est mise en place, presque naturellement et je crois qu'elle fonctionne plutôt bien.
Je sors moins. Comme j'avais dit à Rachel un jour, après la mort de S., j'ai eu peur pour ma parole. L'ivresse délie la parole et je crois l'avoir mise en danger plus d'une fois. Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire, je sens qu'il y a dans mon cas, une mise en danger de la parole. Comme un seuil à ne pas dépasser. Cela me rappelle ces concepts en systémique, les rétroactions positives et les rétroactions négatives. L'ivresse a un effet amplificateur. Je deviens un micro planté dans une enceinte. La rigueur que m'impose l'écriture de mon texte est, dans ce sens, bienvenue.
Les deux dernières soirées ont été très drôles. Vendredi, c'était chardonnay, musique cocktail, j'étais lone dancer. Hier soir, crémaillère. On s'amusait à doubler les discussions des autres. Et puis quelqu'un vient nous parler et je lui parle. Il me demande si je suis encore dans le doublage. -- Non, là, je ne suis pas dans le doublage. Je ne me double pas. Mais si tu veux, je peux me doubler, m'autodoubler. "Alors là, tu vois, je vais, blablabla...". L'idée est énorme. Un film avec le type qui subitement change un peu sa voix et se double pour déphaser la situation.
Je crois que j'en ai rien à foutre. Lorsque je disais, à propos du concert de vendredi soir de Thiaz Itch, que c'était de la musique pour rendre les enfants totalement hystériques et que si j'avais 4 ans, je me roulerais par terre avec eux, c'était une manière pour moi de me persuader de ne pas le faire. C'est la limite.
Alors oui, moins sortir parce que cela épuise le corps, la parole, les relations. Je ne crois pas au concept de la fête continuelle, de l'orgie permanente. Les hédonistes sont des crétins. Je ne suis pas pour l'épuisement. On en revient à ces questions de rétroactions positives & négatives. Et puis le rituel de la fête est important et toutes les occasions ne sont pas bonnes. Je garde le souvenir de fêtes qui étaient incroyables. Pas de ces consommations qui finissent dans le caniveau -- quoique la soirée avec H. & P. qui a fini dans un club pseudo-VIP et où le mollosse est venu me voir pour que j'arrête de danser, c'était assez ubuesque.

2.
La découverte des films de Bergman va de paire avec ce travail. Bergman, Henze, Feldman, le trio qui accompagne l'écriture.



J'aimerais beaucoup participer à Cyclocosmia III et je dois réfléchir à la contribution pour le projet de Pascale. Si je compte le projet inachevé autour de Damiens, commencé en septembre, plus d'autres bêtises écrites ici & là sous couvert d'anonymat, plus ce boulot-là, l'année aura été fertile.

3.
Deleuze disait que Spinoza se lisait dans les scolies. Je crois que la société actuelle se lit dans les commentaires que les internautes laissent sur les articles des journaux en ligne.

4.
Assez stupidement, je me donne jusqu'à mes vacances pour finir la seconde partie de mon texte. Encore une date à ne pas tenir. Un peu las de vivre avec un chronomètre posée sur la tempe.
-- Qu'est ce que la vie moderne?
-- C'est vivre avec une montre posée sur la tempe.
Je rêve de campagne, de paix, de solitude et de silence. Vieux, je serai l'homme que vous voyez assis sur un banc, dans un parc. Ou alors j'investirai la maison de ma grand-mère et en ferai ma Farö lotoise, ma tannière. Nous ferons l'amour une dernière fois dans l'herbe avant de mourir.

3 juil. 2009

Clef de voûte

1. Alors tu persistes à croire que cela est encore possible. Tu n'as pas compris que l'histoire est finie, qu'il est trop tard pour arriver à quoique ce soit.

2. Un jour, j'écrirai une histoire qui parlera de toi. Ca pourra commencer ainsi:

Tu recherches la perfection avec des bombes et une bétonneuse. Tu construis un monde aussi idéal que tu peux l’imaginer, mais poussé par des lois que toi seul connais, tu le détruis, le ramènes à la poussière. Et puis tu en reconstruis un autre qui se veut plus beau que le précédent, plus intelligent, plus juste, que tu détruis et remplaces par un autre, un peu plus proche de cette idée que tu t’en fais, sans voir que sur les cendres de ces mondes que tu as terrassés, tu ne cesses de reconstruire toujours le même.

Un jour j'écrirai un livre sur ces personnes face auxquelles on se retrouve seul. Tu ne te soucies pas de savoir ce que je deviens, tu te soucies de toi te demandant ce que je deviens.

3. Et ce n'est pas ma démission envers le monde. Je m'occupe de moi, après avoir passé du temps tourné vers les autres, et ceci dit en dépit de ce que l'on a bien voulu me faire croire -- je garde ici une certaine rancœur, louable et nécessaire pour ne plus me faire piéger à nouveau par plus égoïste que celui qui veut s'occuper de lui, c'est-à-dire celui qui ne cesse de se placer dans une relation de besoin.

Alors je prends mon temps, un temps qui ne s'inscrit dans aucune vie, dans aucune relation. Et tout autant cette idée avait pu me sembler terrible, effroyable, parce que je la percevais via l'aspiration mortifère de l'ascétisme, autant maintenant je la perçois, à première vue paradoxalement, s'inscrivant dans le monde, faisant face à lui, et non plus le dos tourné. Tes bras ouverts ne sont qu'une invitation au repli sur soi, à cette idée de la horde qui s'oppose au monde parce qu'elle s'élabore sur la peur et la perfection.

4. Ils construisaient des cathédrales à l'image qu'ils avaient de Dieu -- et ils en étaient également dans sa crainte. C'est dans ce sens que je peux dire que vous vivez dans une cathédrale.