30 nov. 2010

Les déserteurs

Peut-être finalement sommes-nous trop sages, peut-être suffit-il simplement d’être grossier, vil et insupportable. Aguerris, les hommes deviennent des soldats et leurs batailles se font dans les règles de l’art. Les déserteurs ne sont jamais reconnus, ils n’ont pas de tombe, ils sont oubliés et leur courage à ne pas « en être » n’a pas de prise sur l’Histoire. Que reste-t-il donc de ces hommes cachés dans les buissons, qui écoutaient les batailles éclater dans leur dos, les baisers des filles claquer sur les joues des vainqueurs et les pleurs retenus sur les tombes des vaincus ? Loin des honneurs et des félicités, par delà les hymnes chantés à tue-tête à la gloire de la quincaille des médailles que des généraux auront brocardé sur les vestes, par delà les joies, loin des libations des revenants esquintés, des rages tues auprès des corps décharnés par les plombs et les bombes, des prières larmoyantes faites en l’honneur de ces hommes morts avant même qu’ils n’aient pu éprouver sur leurs lèvres le baiser de la terre humide des champs de bataille, hors des fantaisies militaires plastronnées par des fanfares ronronnantes, il y a le silence de ces hommes déserteurs un peu honteux de ne pas y en avoir été, et leur intime fierté de ne pas avoir donné de soi pour les autres, une candeur ternie par leur solitude pleine de volonté et d’abnégation révoltée contre la barbarie qui sommeille en chacun, laquelle devient courage et raison d’être dès lors qu’elle a sa place dans le sens de l’Histoire. Ecartés de tout, des chants de joie, des cérémonies funéraires, ils vivent aux yeux du monde sans reconnaissance ni mérite, effacés de la mémoire comme des corps disparus, fussent-ils encore agités par le sang battu au tempo d’un cœur. Désormais muets volontaires puisque la parole leur a été octroyée et leur existence leur a été retirés, ils vivent ainsi abandonnés sans nom, en fantôme sans prise ne provoquant ni colère ni dégoût, ni amour ni compassion. Quel est l’avenir pour ces hommes qui se sont retirés des batailles, qui se sont exclus des rangs serrés des hordes ? Quel amour sera-t-il donné pour ces hommes et ces femmes qui ont disparu lorsqu’on leur demandait de conquérir des territoires, des affections, du conjugal ? Quel avenir pour les femmes et les hommes qui ont choisi de ne pas faire souffrir, de ne pas participer à la mascarade égocentrique des relations, malgré les jouissances qu’ils auraient pu en retirer, les plaisirs maigres des coups de queue de fin de soirée et les baisers au creux des draps froissés sans lendemain ? Quel plaisir éprouvent-ils, quels bonheurs en retirent-elles, quel souvenir demeurera-t-il de ces corps qui se sont retirés à pas feutrés, sans éclat ni morgue revancharde, sans chantage ni stratégie, par delà les victoires et les défaites ? Les soldats marchent en rang, mus par des volontés de victoire, allant au feu comme d’autres vont à l’amour. Aux yeux de l’histoire, les solitaires déserteurs n’ont pas d’importance, ils disparaîtront sans femme ni enfant, sans mari ni amant, sans même cette pierre qui marque sur le sol l’endroit où leur corps s’est retiré. Dans la terre, ils gisent comme d’autres dans des appartements, sans histoire ni passé.

28 nov. 2010

Note de fin de soirée

1. Il a dit: "Avec l'Europe, il n'y a plus de frontière, mais les frontières apparaissent aux portes des grands magasins, avec ces types de la sécurité qui te guettent comme des douaniers."

2. Social Network. Le type vide, transparent, on peut prétendre lire en lui tant il apparaît simple, en adolescent qui boit des bières avec ses potes et les filme dans la piscine. S'acharner à croire que son moteur est la rupture avec sa copine, c'est chercher une résolution un peu simpliste, c'est continuer à le percevoir comme un garçon transparent, presque vide. Il aurait les ambitions de son accoutrement -- au même titre que les personnes qui l'entourent, les "beaux gosses", les futurs financiers dans l'habit est l'image de leurs ambitions. Il ne faut pas s'arrêter à ses vêtements pour définir ses ambitions. Sa transparence est finalement opaque, trouble. Il est vide et il fait le vide autour de lui. Il mange du code. Il transforme la réalité, les réseaux sociaux en code. Il encode la réalité des relations -- j'aime, le mur, avec qui je suis, célibataire, c'est compliqué, etc. Faire un logiciel, un site comme Facebook, cela demande une analyse préalable de la réalité, comprendre comment le monde fonctionne. Il existe autant de compréhension du monde qu'il y a d'individus. Sa démarche est relationnelle, avec des paliers non-binaire -- la notion dans Facebook du "c'est compliqué" est géniale parce qu'elle laisse l'ouverture au chaos, avec un détachement taoiste. Avec Facebook, même le pire devient impondérable. L'effet addictif "je l'ai mis sur Facebook", on s'en détache, c'est là, c'est mis là, je peux faire autre chose maintenant. Une empreinte est une trace laissée par le poids de la personne qui marche, et c'est son poids (matériel) qui reste, avant la disparition. Comme si un appareil photographique avalait les couleurs des objets qu'elle prend -- il me semble qu'il y avait une campagne de publicité pour Kodak où quand les types prenaient des photos, les objets devenaient blancs "les voleurs de couleurs". Pour devenir transparent.
Le héros est un branque -- cf. ma page sur le prochain Coqtail, sur les branques (https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjOgWsfc61AOJn0_q8KHZcElLhuHhlJu1Q0ldZoggj2uqyMKFIhYnR5HrqSe763Ym6CFRgxkeBKp85XqWevoB9TKUON4zTliPP3HghxjyTpbiD5mQqYMz_5ZsBXHBv48YwXEcmGPw/s1600/15.jpg). Un idiot transparent opaque qui construit une machine. Facebook est un monstre et le dernier plan, où il demande en ami la fille qui l'a rejeté, où il appuie sans cesse sur F5 pour rafraîchir la page afin de savoir si l'ajout a été effectué est à voir comme un docteur Frankestein qui exciterait son monstre pour savoir si il bouge, si cela marche, si cela marche aussi pour lui. Si finalement, lui aussi est capable d'avoir des amis. C'est peut-être moins la fille qu'il teste que lui "est-ce que je suis normal, comme les autres, est-ce que je peux avoir des amis sur Facebook". Cf. l'épisode de South Park sur Facebook 0 friends (avec ce pluriel immuable, abyssal).
Autres points intéressants: le rafraîchissement (la simultanéité, le temps de latence); il mange du code. Le vide qu'il fait autour de lui, le vide qu'il semble avoir en lui (le tao), le long plan (le plus long du film, à l'ouverture) sur son trajet entre le café où il est éconduit et sa chambre, comme si c'était durant ce trajet que tout se passe, la machine qui marche en pensant, au pas de guerre.

le type-chantier

(...) Des décennies -- en heures accumulées -- représentant d'une espèce de population des métropoles d'Europe centrale récemment apparue : suite à la transformation des centres-de-repos sédentaires des grandes villes en aires-d'accélération, cette période voit apparaître un spécimen, lui aussi caractéristique du changement, de la disparation : le type-chantier : chômeur, apatride, tracassé.
Placé au coeur d'1 environnement de plus en plus excavé, architecturalement dénoyauté, autant perturbé que disfonctionnel -- se mettre-en-chantier signifie tout d'abord : entrer dans un pays, fracturer le présent & donc déterrer le passé : le retour des morts & l'effet retard de la mort dans le présent : bombes&munitions objets-trouvés des guerres passées ; futur provoqué : une quantité monstrueuse de bureaux & bâtiments industriels vides dont personne n'a l'utilité, la production de ruines en l'absence de guerre classique ; le gargouillis dans les câbles souterrains de la communication en réseaux, l'état non définissable du Monde-Binaire. C'est ainsi que ce type expérimente aujourd'hui le retour du temps dans l'image de la ville qu'on veut détachée du temps et sous la forme ironique de durée d'attente, de bouchons, de retards -- par conséquent comme une dominance surpuissante des caractéristiques féminines contenues de=tout=temps dans les représentations sociales. --
Le type-chantier apparaît comme le prototype du paranoïaque dans ce paysage de cratères régi par des règles-d'exception ; il a perdu tous les signifiants (les images historiques surabondantes & les symboles) -- l' 1 nique stéréotype à lui être resté est l'image de la destruction, à commencer par la destruction de soi.
Il est toutefois impossible de définir cliniquement cette espèce au sens classique, impossible depuis que le clinique, sorti de ses frontières a envahi la vie publique. Par conséquent, cette frontière-là, a également disparu.
Dans le cadre de la suppression croissante des frontières, le type-chantier caractérise la situation de l'inéluctabilité : la multiplicité des réalités et la confrontation à tout ce qui est hétérogène signifie la permanente dictature-de-l'identique ; tout ce qu'on trouve ici, on le retrouve également là-bas. Le type concerné ne représente aucune idéologie, d'ailleurs il n'en a pas, é de croyances encore moins, au mieux quelques restes & des ruines d'idéologies révolues [renvoi vers ext. Baudrillard], qui lui permettent à sa guise d'appuyer ses actes sur la fondation branlante de la causalité. La force de cette inéluctabilité est la haine comme élément autant intransitif que vital dans ce présent. Je hais, donc je suis. D'après les schéma de compréhension extrêmement rudimentaire de la criminologie, ce type ne présenterait que des similitudes extérieures avec le-tueur-en-série et les liens obligatoirement pathologiques qui vont avec.
A vrai dire ce type correspond au comédien dans le rôle de l'homme, qui a oublié l'ordre-de-la-dramaturgie (le retour du théâtre dans les réalités plurielles). -- Sa caractéristique principale est la réduction à 2 états psychologiques opposés à l'1:à:l'autre : la mélancolie -- la fureur. La perte et la destruction de la personnalité sont le résultat du combat interne entre ces deux courants inconciliables. Dans le cadre des convenances sociales, qui sont aussi des menaces, ces formes de rencontres d 'homme:à:homme se placent comme un élément incontrôlable de l'immédiateté, du hasard & de l'anarchique, par conséquent comme un élément de violence positive parce que créative.

Renégat, roman du temps nerveux. Reinhard Jirgl.


(Ne rien comprendre et garder:

A vrai dire ce type correspond au comédien dans le rôle de l'homme, qui a oublié l'ordre-de-la-dramaturgie (le retour du théâtre dans les réalités plurielles). -- Sa caractéristique principale est la réduction à 2 états psychologiques opposés à l'1:à:l'autre : la mélancolie -- la fureur. La perte et la destruction de la personnalité sont le résultat du combat interne entre ces deux courants inconciliables. Dans le cadre des convenances sociales, qui sont aussi des menaces, ces formes de rencontres d 'homme:à:homme se placent comme un élément incrontrôlable de l'immédiateté, du hasard & de l'anarchique, par conséquent comme un élément de violence positive parce que créative.

12 nov. 2010

Liste C

Non mais c'est quoi ce bordel, tu peux me dire qu'est-ce que tu fais
t'emballes pas coco, range tout ton truc, ton matériel, moi j'ai jamais demandé ça
j'ai jamais demandé quoique ce soit et tu me refourgues tout ton bordel
moi j'ai rien voulu, moi je ne t'ai jamais sifflé et là tu ramènes ta fraise en face de moi
ta fraise là en face, tu viens gratter à ma porte, t'agites tes petits poings
tes petits doigts que t'avais mis dans ton nez avant
je t'ai vu, me prends pas pour un idiot, il n'y a pas pire, ils sont encore tout gluants
tes doigts de morve, il en reste encore un bout sous les ongles
comme les cheveux qui me resteraient si je venais à t'arracher la tête
allez va, c'est pas la peine de pleurer, non j'ai rien dit, c'est bon
je m'excuse, j'ai rien dit, c'est bon, calme-toi, je voulais pas
non mais j'ai rien dit, j'ai pas parlé, ça m'est sorti de la tête comme ça
ma bouche a dépassé ma pensée, rassure-toi, je t'en veux pas
il y a pas pire que moi tu sais, tu le sais c'est pour ça que tu me rends dingue
te voilà rassuré, pas encore, mais qu'est-ce que je dois faire pour que tu
que je me couche?, à genoux même je peux, si tu veux, moi je peux le faire
ça me fera du bien de me mettre à genoux, on voit le monde d'en bas
j'étais trop haut, t'as raison, voilà je suis à genoux et je m'excuse
pardonne-moi je te demande pardon oui je sais c'est horrible
pardon pardon pardon pardon pardon oui mille pardons de moi à toi
te voilà mieux je le vois, tu peux mettre des doigts dans le nez, c'est pas grave
je plaisantais, ça me dérange pas, j'en ai rien à faire, je suis bourré de principes
tu le sais, tu me connais, il ne fallait pas t'emballer, ça sert à rien tu le sais
avec moi il faut jamais me prendre vraiment sérieux, oui j'ai vu
je le vois ton truc sur le doigt que tu me tends, quoi tu vas pas me demander ça
t'es sûr, tu crois que j'en suis pas capable, pas ce truc qui vient de ton nez
c'est pas, tu crois pas que tu m'en demandes trop, t'exagères pas un peu, dis-moi
c'est pas parce que je suis à genoux que je dois tout accepter, pourquoi tu veux que
c'est pour que je prouve combien je te pardonne, c'est pas un peu trop demandé
par rapport à ce que j'ai dit, c'était juste des mots et toi avec ça
tu veux me le faire bouffer, bon d'accord je le fais mais après je peux me relever
 après ça ira, si tu le dis, on sera quitte et on pourra à nouveau reprendre où on en était
c'est pas très bon mais c'est ça le goût du pardon, ça a un peu le goût de la merde
voilà c'est fait, qu'est-ce que nous sommes bien, tu ne trouves pas,
c'est pas bien là, non?, t'en penses quoi, rien, je ne sais pas ce qu'il te faut
bordel, tu sais jamais ce que tu veux, t'es vraiment incroyable, jamais content
et moi qui fais des efforts, toujours, et toi jamais rien, sincèrement, de toiz'à'moi
tu me prends pour la dinde de la farce, je te comprendrai jamais, vraiment jamais
et s'il te plait, est-ce que tu peux ranger tout ton bazar parce que j'en peux plus
vraiment je vais exploser et ça sera fini, et faudra plus venir me demander pardon
parce qu'il sera vraiment trop tard, la goutte qui fait déborder le vase
tu me pousses à bout là, tu me pousses à bout et moi je vais t'en faire voir
t'en faire baver, faudra plus rien me demander, tu l'auras bien cherché.

10 nov. 2010

Didier, Bruno, Patrice

Ses épaules trop larges pour sa taille font de lui un homme court sur patte, et les jeans qu'ils portent sont mal ourlés, ce qui réduit la longueur de ses jambes à cette rupture abrupte du pantalon -- comme le dit l'expression "coupé l'herbe sous le pied" -- l'ourlet flottant au-dessus d'une paire de chaussures en faux-cuir et de chaussettes de tennis blanches. Il a la tête carrée avec un casque de cheveux courts et sombres, un visage mutin, des yeux noirs qui vous regardent inlassablement et dont l'insistance vous fait baisser la tête -- et quand vous la relevez, il continue à vous regarder. Vous pourriez croire qu'il s'intéresse au livre que vous lisez, qu'il prend note sur chacun des usagers du bus comme vous le faites, mais son regard est creux, sans but, vain, comme un automobiliste regarde à la fenêtre par ennui. Vous êtes un paysage sans intérêt.

Le seul objet qui anime son regard, l'éclaire d'une lumière, ce sont les femmes. A son regard, on sait qu'il est célibataire et qu'il se masturbe sur des films pornographiques une fois chez lui. Il regarde les filles longuement, sans fin et sans souci d'être surpris. Il sait qu'elles ne disent rien et qu'elles se contentent de tourner la tête -- ou bien au contraire: il les a tellement regardé, insatiablement, sans discontinuité, à en avoir la tête qui tourne et l'œil qui pleure, qu'il a oublié que les femmes ne disent rien et tournent la tête, qu'il ne sait plus, ne connait plus les règles, comme un ours affamé par des mois d'hibernation ne frappe pas à la maison où il veut entrer. Il se retourne sur elles, de la tête au pied les passe au crible, se penche même pour mieux voir le visage de la paire de bottes qui l'affolent, et quand il a saisi le petit détail, il pince machinalement la fermeture éclair de son blouson avec satisfaction. 


Il doit s'appeler Didier ou Bruno ou Patrice, et dans les couloirs de son entreprise où il est employé à la réception des colis ou à la maintenance premier niveau du bâtiment, il doit raser les murs, traînant à la machine à café dans l'attente de croiser la secrétaire qui y a ses habitudes, jetant de temps en temps un œil vers le bureau de la stagiaire, pour voir si elle a mis cette mini-jupe bleue qui dévoile le haut de ses grosses cuisses quand elle croise les jambes. Il aimerait la baiser comme l'on bouffe des plats en sauce mais le soir chez lui, il doit se contenter d'un plat de nouille accompagné d'un pané de poisson surgelé.

9 nov. 2010



Un jour tu partiras, tu traverseras plus de villes que ta vie comptera de jours, plus d'amours que tes mains ont de doigts, tu traîneras derrière toi le cimetière des morts que tu auras rencontrés, tu garderas dans ton sac la tête de l'homme que tu tueras un soir de fête.

Tu auras les joues lisses polies par le vent, les yeux pleurant le sable des déserts et les mains grasses de la terre que tu auras creusée pour cacher tes trésors de guerre.

Un jour tu reviendras
                                tu auras changé
                                tu seras plein de mystères et tu n'auras plus rien à dire,
                                la vie rend muet celui qui ne sait pas raconter.

Et je te dirai
quand je t'avais dit "prends à gauche", je voulais dire 
"prends à droite"

Je me serais bien amusé de toi et j'attendrai ta gratitude -- sans moi, les continents seraient encore inconnus, les étoiles n'auraient pas de nom, la terre ne serait pas ronde.

Tu ne diras rien, l'amertume t'enterrera, tu voudras me voir mort, le ventre ouvert, les tripes autour du cou. Tu voudras te faire faucon mais la terre t'aura rendu humble oisillon -- tu auras bien raison de me vouloir comme cela, mon corps sous les crachats, ma tête pleine de sang. Tu auras parcouru tout ce chemin pour être trahi. "Il n'y a pas de loi qui interdit la malchance", tu me diras.

Tu m'as toujours demandé, maintenant tu sais.

Tu repartiras. Cette fois-ci en prenant par la droite, peut-être parce que tu sauras que le chemin de gauche t'avait ramené à moi.

5 nov. 2010

4 nov. 2010

Hé!

Salut,

Ça va, toi? Sur Facebook, il y a Précipité Danvers qui a mis un morceau de Squarepusher et de fil en aiguille, j'en suis arrivé à écouter Aphex Twin et j'ai compris pourquoi je me sentais un peu bizarre depuis quelques jours. Ça passera certainement. Faut pas chercher plus loin, mon vieux, c'est un peu (surtout) la tienne, cette musique. La tête de Richard D. James, c'est un peu la tienne, la gentillesse sous les grimaces, les mimiques qui veulent faire peur mais qui font rire.
Je me souviens que le jour où t'es parti, je me suis dit que tu ne verrais jamais la fin de The Shield. Je te le dis: à la fin, il ne meurt pas.
J'ai appelé Eric pour aller boire une bière mais il est visiblement pris ailleurs. Chez moi, c'est le chaos, faudrait vraiment que je range, ça ne devient plus vivable. Et puis mettre de l'ordre, ça remet les idées en place, ça permet d'avancer même si parfois on n'a pas envie de faire un petit pas de plus, juste se contenter de rester dans son fauteuil à regarder des vidéos idiotes et écouter de la musique. Parfois, on a bien le droit de s'asseoir, on le mérite bien. Tous les jours, on se démène, on court dans tous les sens, on poursuit ce que l'on a à faire parce que c'est ça qui nous porte, bien que la charge nous paraisse parfois un peu lourde.
J'irai bien danser. Party Boy, tu t'en souviens?
J'ai bien aimé Thomas qui racontait le type qui lui demandait "mais t'en vis de la musique?" Ils nous font chier, les gens. Bande d'andouilles. Ils se racontent des histoires. Mais il n'y a pas d'histoire.

2 nov. 2010

tirer de bord

1. Enlever, rajouter, enlever, rajouter, enlever, rajouter, enlever à nouveau et rajouter encore, un cycle frustrant qui a duré des mois, durant lequel rien n'a semblé avancer -- ça me rappelle ces mouvements que doivent faire les bateaux à voile pour aller contre le vent -- tirer de bord, dit le matelot. Et puis enfin, le vent tombe, ou du moins le rafiot a retrouvé son cap, la mer est bonne, le vent n'est plus contraire, ça file bon train -- ça commence à ressembler à quelque chose.

1b. Ecrire sur des poubelles.

1c. L'institut comme lieu de confrontation avec le monde extérieur -- et la violence des citadins que l'on veut faire taire en opposition avec la violence muette des pavillionnaires.

2. Idée de projet absurde: chroniquer méticuleusement chaque album de Sun Ra. Rejetée. Commande du bouquin Un noir dans le cosmos. C'est en m'intéressant avec plus d'attention au free jazz que j'apprends les décès récents d'un certain nombre d'eux: Marion Brown, Noah Howard. Toujours cette frustration d'arriver après coup -- au moins avec Dylan, je serai là pour pleurer l'homme et mesurer l'importance de sa disparition.

2b. Autre projet absurde: reprendre certains morceaux des Béruriers Noirs avec mon accordage blues (open tuning C).

3. Non.

4. Oui.

5. Oui, encore oui, et oui.

6. Fury de Lang. La colère, la société, le temps presque arrêté des premières séquences (le type qui galère avec sa copine qu'il ne voit qu'épisodiquement). L'espace-temps réduit à celui de la tragédie.