19 mars 2009

La Princesse de Clèves à la manif'

Le texte que nos joyeux drilles essayent de glisser dans la métrique d'un slogan est: "Le goût que le roi François 1er avait eu pour la poésie et pour les lettres régnait encore en France"
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves (1678)



Toulouse, place Jeanne d'Arc, un jour de mars 2009, vers 6h du soir.

12 mars 2009

xqz



Comme nous sommes tous l'idiot de quelqu'un, nous sommes tous le vide d'un autre, son fantôme, son invisible, impalpable et sans corps, traversé par le monde où l'autre figure et nous non.

Tu joues la comédie, tu t'agites, tu remues les bras, fourres ton doigt dans ton nez, l'autre que tu vois impassible est comme mort. Peut-être l'est-il réellement. Chacun dans sa parcelle, sa petite zone avec son Histoire, sa Géographie, nos cartes se superposent le temps d'une plaisanterie un peu trop appuyée, d'un regard qui s'abandonne au-delà d'un temps raisonnable et devient perceptible.

Appuie sur le bouton, appuie bien fort, continue, presse, défonce-le si tu en as envie, quand la machine sera cassée alors tu pourras devenir une autre raison d'être.

(Sister Iodine, xqz, Adn 115)

11 mars 2009

La sélection du bureau, février 2009

La sélection du bureau, février 2009, ça sort du territoire de la pop pour défricher quelques terrains improbables -- merci encore à wfmu.org pour les pépites.




A télécharger:
http://ventolin.free.fr/mp3/Fevrier_2009.mp3

Liste d'écoute:

The Breeders - Istanbul
Découverte du dernier album des Breeders comme si c'était la nouveauté du mois alors qu'il est sorti l'année dernière. Et c'est loin d'être mauvais, un peu foutraque et des choses plutôt intrigantes. Et puis Istanbul est une ville fascinante.

Otha Turner & The Afrossippi Allstars - Stripes
Dans le Delta du Mississippi, il n'y a pas que des vieux bluesmen, il y a aussi des joueurs de flûtes taillées dans des roseaux, accompagnés énergiquement de quelques tambours de fanfare. (wfmu.org)

John Lee Hooker - Huckle Up Baby
Simple.

Deerhoof - Come See The Duck
Le Deerhoof du mois.

Kenny Barron - Sunshower
Improvisation pianistique. (Merci Clara)

Lavender Diamond - Off The Cuff Interview

Un bien joli prêche d'une chanteuse vraisemblablement hippie. (wfmu.org)

Polyps - Untitled

Démo d'un titre inconnu d'un inconnu. (wfmu.org)

Lazy Magnet - Masters Of Science Fiction

Attention, morceau de batard. Les effets spéciaux sur la voix du Master of science-fiction sont particulièrement redoutables. Et ça me fait marrer comme un idiot. (wfmu.org)

Dukes of Stratosphear - Bike Ride To The Moon

Derrière ce groupe se cache XTC. Tiré de l'album qui a donné la puce à l'oreille aux Stone Roses de choisir John Leckie comme producteur.

Ziggy Bathtub - Bowie Medley (extrait)

Le "morceau" dure 8 min., et a été ramené à un peu plus court. Un type qui chante du Bowie dans sa baignoire. A écouter en boucle. (wfmu.org)

Deerhoof - Spiral Golden Town

L'autre Deerhoof du mois.

4 mars 2009

1999

"Je suis un voleur, tu es silencieuse."




Bonjour Alice,

1. Le problème de mon chèque est résolu.

2.J'ai été surpris hier soir par ton invitation, j'ai conclu par: "les rêves n'appartiennent qu'à soi". Je ne sais pas en définitive. J'aurais rêvé (et le terme est fortement approprié) t'accompagner, mais je n'étais pas dans les mêmes sensations que toi, pas dans le même univers que le tien, je crois que je t'ai un peu égarée dans mon fauteuil, tu étais perdue alors que je ne voyais qu'un large fauteuil à la clarté du jour. Mais ce n'est pas grave, j'espère que tu as poursuivi tes songes. Je me suis toujours (sic) dit que tes rêves "éveillés" n'étaient que le fruit de l'imagination dont tu ne peux te délester lorsque l'on dort, rêvant la tête soyeuse, en boule dans la couette, là où bien que les yeux soient clos on voit, là où bien qu'il n'y ait nul son provenant de l'extérieur on entend. J'aurais aimé poursuivre avec toi le long de la sinuosité de ton imagination, me perdre également, peut-être guide, peut-être voyageur, fort probablement les deux, l'un l'autre se menant où ils le désirent, sans aucune révolte parce que l'imagination ne serait commune qu'à partir du moment où on ne la contrôlerait plus. Cela demande peut-être aussi de l'entraînement, qui sait! Ce genre de choses est finalement très intime; lorsque je me fonds dans le silence de mes songes (tu sais, les yeux dans le vide, etc.) je ne suis plus accessible parce que je n'existe plus, si ce n'est dans l'univers qui m'est propre et qui se révèle alors à moi. Et il en est certainement de même pour toi. Mais ce n'est pas une utopie que tu as eu hier de vouloir m'emmener là où tu vis les yeux repliés sur ton monde. Il faudrait que je le visite moi aussi, ou plutôt qu'il se révèle à mon regard, sans même le pénétrer, juste le ressentir, ne pas forcément en avoir une description détaillée, mais juste les volumes et les couleurs. Ce n'est qu'une histoire de volonté, et cela prend autant de temps que cela nécessite de confiance.

3. Il y a énormément de choses qui me surprennent, peut-être qu'un jour je t'en ferais part, j'ai l'impression de vivre ce que j'ai commencé à écrire, comme si mon imagination, le fruit même de mes rêveries, prenait le pas sur la réalité.

3 mars 2009

La promesse du monde - "Longtemps, je me suis couché de bonne heure."

Moi dans le monde, j'étais une promesse. J'avais douze ans, quinze ans, j'en ai soixante-quatre, j'en aurai cinq, je suis en guerre contre le monde, mon père est slave, ma mère est noire et la terre d'Afrique est rouge, mon oncle est un fasciste, ma sœur a connu l'amour dans le lit de mille hommes, je suis une petite fille, j'ai acheté un jour un livre que j'aurais pu voler, mon pays est sans frontière et je n'ai pas d'âge, autour de moi le monde est une forêt, est une ville sans fin que l'on traverse en dix pas seulement, la lumière est invisible mais elle colore d'un halo le regard aux paupières closes, le silence de mon lit quand tu dors à mes côtés, tu étais chinoise, je suis indien, nous avons fait la révolution mais ce n'était pas suffisant, je t'ai embrassée comme mon père a embrassé ma mère un soir d'août, dans une petite cabane sur les rives de l'Euphrate, nous portions nos habits de fête faute de mieux, quand grand-père est mort l'Homme a marché sur la lune, tu as prié pour moi et j'ai cru en Dieu et ensuite j'ai prié pour Toi, maintenant nous sommes seuls et certainement bienheureux, finalement ainsi tout débute, puisque nous sommes des témoins, avant nous, après nous, ainsi sans cesse, ainsi des histoires, des lieux, des temps, des modes, des variations infinies comme chaque vague a sa singularité qui la distingue des autres vagues qui forment toutes les mers, l'océan antique sur lequel les navigateurs ont croisé Ulysse, les pirates et les porte-avions américains en ligne de mire des kamikazes japonais, nous ferons nous aussi la guerre, et si ce n'est pas dans ce monde que cette vieille fille écrit en secret dans une maison non loin de chez moi, cela sera ailleurs, c'est-à-dire toujours ici, malgré les distances, les panneaux indicateurs, les voyages qu'il faut faire pour voir jusqu'où cela s'arrête, et toi tu courras quand tu me verras, tu t'enfuis toujours ainsi sans raison valable à mes yeux, un jour tu cesseras de courir, fixe en un point qui sera au croisement de deux lignes, ton doigt tendu indiquera le nord, les yeux mi-clos face au soleil, comme face à la mort, mi-clos, sans répit, sans douleur, sans souvenir, sans histoire, le nouveau-né que je fus, face à la mort une première fois ("nique-la avais-je dû entendre -- et je l'ai niquée une première fois") -- comme la promesse du monde se terre dans la balle qui traverse la cervelle d'un otage, et un jour tu t'arrêteras et avec toi la terre s'arrêtera un peu de tourner, ne serait-ce qu'un instant, cet instant qui scelle le corps au souvenir d'un lieu, d'un temps, d'un agencement du monde -- ...