13 oct. 2009

La sélection du bureau - septembre 2009

Retour de la sélection du bureau après des mois sans aucune envie de découvrir quoique ce soit.

53min et 14sec. à télécharger en liqcuant iic, ou à écouter ici-bas. Le détail de la sélection est encore un peu plus bas.




Il y a quelques temps, un samedi matin, j'étais de mauvaise humeur. Alors que j'allais chercher un café-à-emporter pour le boire sur un banc, j'entendis Candyman (du célèbre Reverend Gary Davis) joué par un vieux type sur sa guitare; cette chanson est du sucre et remettrait illico d'aplomb n'importe quel suicidaire. Je me suis dit, enjoué par cette rencontre au hasard des rues, que la connaissance de beaucoup de musique ne trouve pas son intérêt dans son étalage en société mais dans cette démarche très personnelle de trouver pour chaque émotion que l'on rencontre la musique qui pourra l'accompagner au plus près, la dissoudre dans une autre émotion ou l'amplifier. Ce n'est pas dit que si je n'avais pas connu Candyman, elle aurait eu le même effet sur moi; je ne l'aurais certainement pas entendue, n'y aurais prêté aucune attention. Il s'agissait là d'une rencontre qui me ramenait à moi, à ce que je suis et qui me convient -- et dont je m'éloignais avec force mauvaise foi et apitoiement.




Daisy Chain - Zzotto
A classer dans la collection "Je m'appelle Stereolab et je pille des groupes inconnus des années 60".

Phil Spector - He Hit Me
Ne sais plus si ce sont les Ronettes ou je-sais-plus-qui qui chantent, mais c'est du Spector.

Shop Assistants - I Don't Want to Be Friends With You
C-86 en force.

Jem Targal - Dance With Cha Girl
L'une des grandes trouvailles du mois, album renversant. En date du 1978 -- et le cédé est à colorier.

Le Système Crapoutchik - Ploum le Clown
Rare groupe français à faire de la "pop" (et non du yéyé) dans les années 60; les paroles sont un summum d'idées hippies (la vie c'est beau, etc.), mais c'est intéressant/enrichissant d'entendre des tentatives de caser le français sur des mélodies; surtout lorsque la plus grande difficulté d'un songwriter est le texte.

Randy Rice - Hello / Mr. Dumpty, Before the Fall
Jolie mélancolie et parole dépressive à souhait. Tiré de l'album To Anyone Who's Ever Laughed At Someone Else -- titre d'album walserien ("et quand on riait, il riait de lui"). Le reste de l'album est très (trop) guitare acoustique.

Sonic Youth - Expressway To Yr. Skull (live)
Sonic Youth en concert en 1986 et l'étonnant silence du public qui se retient jusqu'à la fin du morceau.

Morton Feldman - Rohtko Chapel 1
Extraordinaire jeu de timbres. Un morceau vertical.

Scriabine - Etudes- Op. 42
RAS.

Biff Bang Pow! - She Haunts
La joie.

Harry Schneider, The Singing Plumber - A Love Song For Sona
Harry Schneider est plombier et il chante une chanson d'amour pour Sona.

Bob Dylan - Idiot Wind
Bob Dylan.

Jem Targal - Luckey Guy
Jem Targal est un gars chanceux.

12 oct. 2009

L'océan

Tu dessinais avec ton doigt des cercles sur ma peau, tu chantais et je prenais en bouche ta main. Et avec un peu d'imagination, nous pouvions entendre une fanfare jouer dans le jardin. Quand tu as ouvert la fenêtre, le vent a soufflé les pétales des fleurs séchées que je t'avais offertes le siècle dernier. Tu me dis alors je n'ai pas connu plus ample sensation depuis que j'ai été à l'océan avec mon fils. Je me suis pris pour l'océan. Tout ça, ça s'est passé le jour où je me suis pris pour l'océan. C'était le jour où je me suis pris pour l'océan.


7 oct. 2009

win.rtf

0. Saisir juste ce qu'il faut, à poing.


1. Ne rien dire du projet, tout arrêter pour se consacrer à ça. Alors (ou non alors) passer pour un type jesaispasquoi "je suis pas ton pote". Ambiance fébrilité paranoïaque, tout en retrait, Party Boy en pédale douce. Et puis il n'y a pas marqué Pigeon. Bon samaritain.

2. Blablabla, on est toujours contraint de se tordre pour faire entrer les idées dans les mots.  Les mots sont des chaussures trop petites pour nos pieds d'explorateur-conquérant. Les mots font mal par leur impuissance. Il n'y a que les poètes et les démagogues (mais ne sont-ce pas les mêmes) pour croire à la puissance du Verbe. Ou Contre les poètes est à considérer aussi comme pamphlet politique. Le jour où le poète cessera d'être poète alors il le deviendra certainement. = la vieille règle taoïste.

3. Retour d'insomnie. Alors le travail. 3 par 3. Survoler, reprendre, reconsidérer l'univers et ouvrir des issues qui demeuraient closes non pas par fatigue mais par crainte. Former des armées, envoyer des éclaireurs, dévaliser les villages, se couvrir d'or. Et tuer les mots qui font peur parce qu'ils sont petits.

5 oct. 2009

la passion

Et dans sa vie, il n'avait pas autre chose pour se sentir vivant que de voler. Il grimpait au sommet d'un immeuble et arc-bouté dans le vide, la tête bêche embrassant-considérant la foule qui le pointait du doigt, il prenait une large respiration. Et alors, comme tout corps solide, il s'écrasa.

29 sept. 2009

Je ne veux pas devenir une table

1. Toujours tenté par quelque chose de très noire, très noire-noire. Ah la belle aventure, l'effroyable beauté noire du monde obscur qui sombre dans les plus profonds abîmes. T'en oublierais presque que tout cela est une farce, une bien belle farce. La parfaite oscillation du monde. Le monde est une danseuse.
"Je veux devenir une table, je veux devenir une table", criait-il en tapant dans la balle de ping-pong.
2. Il n'y a pas grand monde à sauver dans toute cette histoire. Peut-être l'oncle (le parrain), la fille, et tout le reste, c'est que dalle, pas tripette. Le plus dur, ce n'est pas pour ceux qui restent, c'est pour ceux qui partent.

3. Revenir à la joie, à la belle humeur, à tout ce qui rend le corps plus léger & le pied agile. http://bastardisaddic6.blogspot.com/2008/06/4.html

24 sept. 2009

Quelques heures sous les sunlights

Improvisation marmonnée enregistrée sur Elle a passé tant d'heures sous les sunlights de Philippe Garrel. Par un heureux hasard, la séquence était muette. La première salve de marmonnements n'est pas dans la tonalité recherchée.




21 sept. 2009

Face A/Face B

1. En dépit de nos différences, nous nous remplissions l'un l'autre d'une confiance qui n'avait pas de limite -- l'un l'autre, durant ces longues heures où nous nous enivrions, nous revisitions ces territoires que nous avions découverts seul -- alors seul, emporté par la puissance des rêves et le doux confinement d'une solitude joyeuse, chacun mesurait la grandeur de ses possibilités, l'envergure de ses membres et la longueur de ses foulées -- et mis ensemble, grâce à l'alcool et certainement à l'amour, nous nous glorifions au-delà de toute raison durant des heures, jusqu'au matin où nous nous endormions sans prendre la peine de nous dévêtir. Nos réveils avaient l'âcre saveur du tabac froid et l'acidité des mauvais vins. Plusieurs heures après, nous marmonnions, incompréhensibles, la bouche pâteuse et la gorge sèche. Et avant la tombée de la nuit, nous nous recouchions, scellant par une emprise amoureuse cette journée qui ne nous semblait pas avoir existé.

 

2. Etre Quentin qui ne veut pas céder à la haine.


Now I want you to tell me just one thing more. Why do you hate the South ?"

'I don't hate it,' Quentin said, quickly, at once, immediately; 'I don't hate it,' he said. I don't hate it he thought, panting in the cold air, the iron New England dark; I don't. I don't! I don't hate it! I don't hate it!

 

3. Donne-moi cinq minutes pour dire ce que j'ai à dire: jusqu'au bout, tu auras pris ce qu'il y avait à prendre et lorsqu'il n'y a plus rien eu à prendre, tu as filé. Au fond du gouffre que j'ai traversé, tu es venu pour en redemander encore. Tu as certainement compris qu'après cela, il n'y avait plus rien à tirer de moi. Alors tu as filé, et je sais que maintenant tu rases les murs. Tu n'es pas moins qu'un parasite et c'est bien logiquement que tu as choisi ce camp-là: les victimes sont seules et elles se réunissent pour devenir des martyrs. Ce qui m'ennuie le plus, c'est que je sais que tu n'es pas plus malheureux là-bas que tu ne l'étais ici, pas plus heureux avec eux qu'avec moi. Parce que rien ne te tourmente plus que toi-même et en choisissant la voie que tu as prise, tu ne fais que repeindre les murs de ta cage. Comme eux, tu seras toujours la victime de quelqu'un, parce que comme eux tu ne cesses de construire des barricades entre toi et le monde, ceci pour ton bien-être, ceci pour une morale qui repose bien moins sur l'amour universel du monde -- comme vous en avez la prétention -- que pour défendre votre propre petite personne. Repliés dans vos communautés, vous dites vivre comme des pirates, mais le territoire des pirates étaient les océans, non ce lopin de terre où ils se réunissaient pour y partager des butins. Vos lieux sont des forteresses, non des îles ouvertes aux quatre vents. Et toi, tu as finalement opté pour cet ostracisme alors que j'ai tout fait durant des années pour t'aider à être un peu plus au monde, pensant que ton plus grand mal était ta solitude. Mais je me suis trompé sur ton compte: ton plus grand mal n'est pas ta solitude, c'est l'image que tu te fais de toi, haute, grande, belle, hors-du-commun qui te conduit à cette solitude. Tu n'étais pas seul, tu étais seulement en manque d'admirateurs. Jamais, à mes yeux, tu ne seras grand, sache-le. Je n'ai d'estime que pour mes semblables.(...)


20 sept. 2009

19 sept. 2009

V

Au début tu ne comprends rien, tu dis que t'as chaud, qu'il fait froid, ton corps tremble, tu as des vertiges, tu as vomi toute la nuit et le matin tu ne te sens pas si bien que ça -- tu aurais espéré mieux mais tu ne regrettes rien, tu n'es pas déçu, tu ne t'attendais à rien, c'était devenu tellement tellement tellement tellement ennuyeux, ça aurait pu continuer longtemps, à te parler à te dire un jour le roi viendra et je porterai ses fripes, un jour je traverserai les mers d'un seul pas des choses comme celles-ci que personne n'entendait, c'était sur une petite scène, c'était une estrade éclairée par les écrans des téléphones portables, les spectateurs rivés sur les viseurs des appareils photo -- et maintenant tu te retrouves là, sans les choses dont tu parlais mais avec sur les bras les mots que tu utilisais, Mon Dieu, je comprends rien, tu vas vomir, tu reviens, tu fais un tour, reviens, pars, tu lèves les bras, retournes tes mains, tu fais l'idiot, ça te fait marrer, tu t'allonges, redeviens sérieux un instant, t'as ce mauvais goût au fond de la gorge, l'amertume te relie avec la fin de ce qu'il y avait avant, mais tu sais que lorsque tu ne seras plus amer, tu seras un vagabond, tu porteras ses fripes, tu auras sa maison, tu auras son soleil et ses nuits, tu seras le roi.


15 sept. 2009

Maigre

"Personne avant moi, dans cette langue, n'a écrit comme je le fais, comme j'ose le faire, et comme c'est mon plaisir, ma plénitude. Je sais que des dernières pages de Samora Mâchel, en Mai, je peux, les lisant ici, en réveiller les morts, de cet enclos, les notables et les obscurs, les honorés et les oubliés, les paysans, les ouvriers, les enfants, les femmes. Comment me faire moi-même à cette réalité de ma langue, de la langue de mon être avant que je sois? Comment apaiser la peur que j'en ai, la peur de l'Inconnu? Comment accepter cette voix transitoire dont j'entends déjà l'accomplissement?
De l'autre côté du mur -- je ne ressens aucune douleur de l'entorse qui me prendra le pied dès l'après-midi, l'amaigrissement et les cachets aidant, je ne souffre plus que d'une seule douleur, celle de cette langue dont je sais la beauté trop dure déjà pour moi, trop forte pour moi, qui me meus pourtant dedans avec science et plaisir, mais combien plus je me préférerais usant d'une langue lisible par tous dans l'immédiat (et pourtant...).
Cette langue dépasse ma pauvre force, elle va plus que ma pauvre volonté. Elle me scandalise, me fait rougir, à d'autres moments rire, non d'une langue de fou, mais d'artiste trop fort pour l'être, humain, que je suis encore; de prophète de moi-même donc." (Guyotat, Coma).
Alors je suis allé à la librairie pour voir ce que j'avais un jour entendu d'une lecture d'un texte de Guyotat -- mon expérience de lectures guyotiennes (inachevées, je précise) s'arrêtant aux très "classiques" Tombeau pour cinq cent mille soldats et Eden Eden Eden -- et prendre la mesure de quoi Guyotat parle, cette langue en laquelle il entre -- "j'entre en langue" me répète C., en retournant les mains comme si elle retournait une peau.

Le livre est Prostitution et l'image est prise sans l'accord du site.

14 sept. 2009

shaolin cowboy

1. Quelques mots de Méridien de sang de Cormac McCarthy. Tout comme pour La Route, on m'en avait fait les plus grandes louanges, et évidemment j'ai été déçu, sans pour autant que les deux ouvrages soient décevants. Donc Méridien de sang. S'il faut faire la critique de ce livre, autant commencer par faire la critique de la critique. Non, le juge n'est pas Achab ni Kuntz, comme j'ai pu le lire. Achab poursuit un destin, Kuntz est dans une volonté de puissance, le juge ne poursuit rien et ne se délire pas en Dieu-tout-Puissant -- et ce bouquin, ne parle pas de Bien et de Mal. Les ennemis ne sont pas les indiens, les espagnols, l'armée, l'ennemi est celui qui vous mène à la chute. Et ceux qui restent en vie à la fin du bouquin, sont ceux qui collent au plus près de la Nature, détachés de toute considération de Bien & et de Mal.
Le gosse ne tue pas le juge, et c'est en cela que le juge le reconnaît comme son fils, son héritier, la filiation ne tenant pas ici au partage de valeurs identiques mais à attitude identique, à une posture commune. On peut avoir en tête une scène clef du genre "western" où le cowboy demande à son jeune protégé de le tuer parce que selon l'"ordre du monde" il a commis une faute punie par la mort, et le protégé le tue et devient un homme, en dépit de la disparition de son symbolique père. Cette vision totalement manichéenne est celle du prêtre (chapitre de la poursuite du juge par le gosse), mais non celle du gosse qui n'a aucune raison de le faire puisque le juge ne l'a jusqu'alors jamais entraîné dans une quelconque chute. Et c'est lorsque le juge enferme le gosse que celui-ci finit son rite initiatique et s'affranchit du juge. L'enfant ne devient pas un homme en quittant son père mais lorsque le père cesse de le reconnaître comme un enfant. Et le gosse devient un juge, à sa façon, à sa manière. Il cesse de errer en apprenant le monde -- et celui-ci cesse d'être un désert dans lequel, durant 300 pages, les protagonistes se sont perdus, allant au hasard complètement hirsutes, ne voyant en lui que l'incarnation de l'Enfer, enfermés dans leur conception binaire du monde -- alors que le juge, en l'adoptant, en l'apprenant, en l'écrivant dans son carnet y voit autre chose. Le gosse, lui, ne voit rien, replié dans en cocon en formation duquel il en sortira pour prendre toute la mesure du monde (un peu comme moi, qui forge une autre idée du livre en écrivant ici cette notule et le découvre bien intéressant à posteriori qu'à sa lecture.)

2. Comme je n'ai pas le bouquin à mes côtés, je ne peux pas continuer à développer. Mais les grosses lignes de ma lecture sont là. En gros, voilà: Méridien de sang n'est pas un livre de cowboys mais plutôt un livre de shaolins, à l'époque de Lao-Tseu.

(Warren Oates, dirigé par Sam Peckinpah dans The Wild Bunch.)

9 sept. 2009

Sans surprise

1. Tu prends une voie et pour moi, elle est sans surprise. J'avais préfiguré la direction que tu as prise dans des notes pour une nouvelle dont je t'avais fait part du contenu et que tu n'avais certainement pas écouté. Rien ne m'étonne. Je ne suis pas triste de te voir partir dans cette direction; tu dois y trouver ton réconfort, après des années d'une solitude qui a toujours été ta croix. Ce jour où j'ai eu cette idée, je n'étais pas devin; comme le dit le personnage principal du dernier Allen "J'ai une vision globale". Il n'est pas si dur de savoir ce que certains vont devenir. Leur vie est dessinée en eux, en creux, dans leurs démarches, dans ce rapport qu'ils ont avec l'existence. Je ne suis pas exempt de cela. Il y avait chez toi cette peur du monde qui t'a rendu certainement malade. Tu as trouvé des amis qui te comprennent au-delà de la parole et des signes. Je doute que tu sois à présent guérie mais je sais que tu vas mieux.

2. J'aimerais ne pas devenir juge de cela.


3. Quelques notes à propos du bouquin de Cormac McCarthy Méridien de sang:
  • mise en miroir avec La horde sauvage de Peckinpah -- où l'on retrouve Holden, non plus personnage (le juge) mais acteur (William). Les deux oeuvres balisent une période de l'histoire américaine, traversée de part en part par la violence.
  • la Bible: le style "biblique" de McCarthy; cette terre est l'Enfer -- l'image récurrente du volcan, de la faille d'où s'échappent des animaux (chauve-souris) et laissent des empreintes (l'histoire racontée par l'un d'eux où il fait référence aux traces de diablotins). 
  • la figure du juge et celle des éclaireurs.
4. Reprise du travail sur win.rtf, après deux semaines et demi sans une ligne, sans consacrer une seule seconde de réflexion.

5. C. & les nuits folles. Retourné au cinéma & à la lecture. L'étrange rapport au sentiment amoureux, la désacralisation de l'affectif. Où comment être confronté à l'étroitesse de son esthétique. Whatever works. Le dernier Allen ne délivre pas une morale. Il s'évertue à briser les dimensions du Bien & du Mal. On pourrait parler d'éthique.

2 sept. 2009

Bob Dylan

1. Bob Dylan. Depuis maintenant une vingtaine d'années que je m'intéresse à la musique populaire, Dylan demeurait un objet inconnu dont je me méfiais pour tout ce qu'il symbolisait en tant que vieille garde hippie. Il y avait bien évidemment quelques tubes (I Want You) qui ne me laissaient pas indifférent mais non, je résistais -- et la violence de ma découverte n'est pas moins révélatrice de cette résistance. Grâce à Dylan, je sais qu'il est encore possible de pleurer à 36 ans sur une chanson comme mes 16 ans me le permettaient alors. Love Minus Zero/No Limit est certainement l'une des plus belles chansons de l'histoire de la musique populaire et probablement l'un des piliers pour son orchestration -- tout le jingle-jangle, la pop twee, les arpèges des Byrds, des Smiths, des Beatles, lui doivent beaucoup; la simplicité du roulement de batterie, l'utilisation tout le long du morceau du ride forge grosso modo un style, qui va de Knives Out de Radiohead, à Some Girls Are Bigger des Smiths, les Byrds dans leur intégralité. Et puis il y a la mélodie, et puis il y a la fin du morceau. Et puis il y a
She knows there's no success like failure
And that failure's no success at all.



-

(Elle me demanda la nuit qui suivit à quoi je pensais. Et je lui dis
A cette chanson de Dylan. Et elle sembla rassurée.)

-


Queen Jane Approximately.

Mais tout cela est révélateur de bien autre chose; je disais encore Cette année 2009, c'est démentiel, rarement les choses m'auront semblé aussi simples -- et même lorsque des difficultés se présentaient -- entre autre ces deux mois terribles à creuser ma propre tombe -- il y avait toujours un moyen pour s'en sortir. On dira qu'en 2009, j'ai eu 20 ans.


2. Je reviendrai sur une analyse du projet en cours. Où comment aborder le problème par le personnage et non plus par l'histoire.

31 août 2009

ma vacance entropique

VACANCE, subst. fém.
I. Gén. au sing. [Suivi d'un compl. déterm.] État de ce qui est vacant.
A. État de ce qui est vide, inoccupé. Synon. vacuité. J'aime entre tous un petit monument votif au bord d'un chemin (...). Sa niche est vide. Je souffre de cette vacance (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p. 258).

1. Le cerveau en bouillie, du papier mâché. Pas écrit ni lu une seule ligne -- hormis une bédé de Peter Bagge et ce bouquin sur le Tai-ji quan, L'enseignement de Li Guang-hua, La tradition de l'école Yang, à peine feuilleté. Et reste toujours 300 pages avant de savoir si c'est Moby Dick ou Achab qui y passe.

2. Rien.

3. Samedi soir était du grand n'importe quoi. Dimanche inexistant. Lundi convalescent à culpabiliser de cette vacuité. La réplique mémorable de Nouvelle vague: le type demande à Alain Delon ce qu'il fait et Delon répond: "je fais pitié".

4. Rien (il est important de souligner ces périodes de vide, ces journées qui défilent sans que rien ne se passe, ne se produise -- de la vie en jachère. Ne rien produire, ne plus être une machine qui concasse, forme, construit. Et avoir malgré tout le sentiment que quelque chose se joue. Et le sentiment éprouvé est peut-être autre chose, non pas de la culpabilité mais l'impuissance de ne pouvoir être maître de cette production de vide; elle dépasse totalement le corps, l'esprit; le coeur de la machine continue à produire mais la machine n'est plus en état de transcrire cette matière, de la formuler, de la rendre lisible, sensible.)

5. Ce n'est pas de la fatigue, ni de l'épuisement. Bien au contraire, je suis un corps qui déborde, jusqu'à l'excès. C'est une énergie de trop-plein qui est délivré du transcripteur.

6. Aller sur un banc près de la fontaine et regarder les passants. Devenir vieux.

7. Je me laisse pousser la barbe.



8 août 2009

Samedi (2)

Salut,

Tout va bien. C'est ce que je me disais à l'instant, assis sur mon lit, regardant par la fenêtre le réverbère s'allumer, devenir de plus en plus incandescent et finalement produire une lumière belle, orangée -- la nuit tombe, j'écoute le fameux Do While de Oval -- je me souviens du magasin où je l'avais acheté, c'était un endroit curieux, nous en parlions encore l'autre jour au pique-nique; dans la rue, il ne reste plus que le vieil homme noir qui a une fois de plus trop bu et qui marmonne ses "Obama", sous l'œil des propriétaires du magasin qui sont assis sur le trottoir, attendant on-ne-sait-quoi.

J'aime cet endroit où je vis -- il est aussi grand que vos toilettes mais c'est la première fois qu'un lieu s'organise aussi bien autour de moi. Le soir, quand la nuit tombe, je m'assois sur mon lit et je reste là, la plupart du temps sans écouter de musique, me contentant des bruits de la rue, des discussions qui remontent de l'apéritif qu'organise le magasin du bas; le temps passe, la lumière du jour baisse, le réverbère s'allume, se remplit d'orange, de jaune; l'appartement plonge dans l'obscurité, les détails disparaissent, les espaces se désorganisent plan après plan -- ici, tout s'organise en plan et c'est grâce à cela qu'il semble s'agrandir.

Ce matin, je me suis réveillé vers 6h. Je me suis rendormi et réveillé à nouveau vers 9h30. Clara est venue pour récupérer la solution pour les bains de bouche. Nous sommes allés faire un tour; nous sommes allés dans son atelier, j'ai tiptopé quelques notes sur le piano et puis je suis rentré. Je suis allé boire un café avec Eric; Marion s'est installée à la terrasse, nous l'avons rejoint. Pryscilla passant par là et nous a rejoint également. Et puis finalement, nous nous sommes tous dispersés.

Je suis maintenant là, et j'ai le cerveau comme pris dans du béton; je n'arrive pas à rentrer dans mon fameux win.rtf -- j'aborde la partie centrale et je crois bien que cela me fout la trouille. Je galère pas mal également sur ma proposition pour Cyclocosmia -- je ne suis pour l'instant pas réellement convaincu du résultat; il manque un larsen, un bruit de fond (un souffle) qui traverserait tout le texte.

Je reste là. Ils vont tirer le rideau, dans un fracas metallique. Je sens mon cerveau se ramollir, prendre le pli de win.rtf, je prends en considération minute après minute l'espace que je dois habiter, ce territoire dans lequel je dois être pour reprendre contact avec mon boulot. Après, ça ira mieux. S'il y a blocage, cela signifie qu'il n'y a pas l'agencement nécessaire. Attendre, revoir la proposition, respirer, s'asseoir sur le lit, se plonger dans des réflexions ineptes, s'endormir, avoir faim, rester dans le silence, ne rien dire, s'ouvrir à soi, s'affranchir, être dans la volonté de s'affranchir, se défaire des pensées parasites, oublier les ingratitudes, vivre par cloisonnement, se souvenir de ce qui a déjà été écrit, chercher le rythme, et au-delà du rythme, le swing.

samedi

1. win.rtf. 10 jours.

2. Rien.

3. Un peu de vide.

4. Rien.

5. Rien.

6. Rien.

7.

26 juil. 2009

Ici et maintenant

1.
Je suis loin du flot que j'ai pu avoir en avril, lorsque j'ai commencé à écrire ces deux textes. Je passais une période difficile et ils répondaient à un profond malaise. Je ne pensais pas alors que je les conduirais où ils en sont maintenant.
En mai, je les ai laissés de côté. J'étais à Londres et puis ici & là. J'étais essoré, vidé. En juin, j'ai pris conscience qu'ils pouvaient devenir autre chose. J'y ai travaillé dessus, sans l'énergie du début, d'une façon plus mesurée, moins passionnelle, comme tout homme qui travaille quotidiennement à sa tâche. La semaine qui vient de se finir a été riche. J'ai dans l'espoir d'avoir enfin le déroulement de ma narration. Auparavant, je naviguais un peu à vue. La structure s'est mise en place, presque naturellement et je crois qu'elle fonctionne plutôt bien.
Je sors moins. Comme j'avais dit à Rachel un jour, après la mort de S., j'ai eu peur pour ma parole. L'ivresse délie la parole et je crois l'avoir mise en danger plus d'une fois. Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire, je sens qu'il y a dans mon cas, une mise en danger de la parole. Comme un seuil à ne pas dépasser. Cela me rappelle ces concepts en systémique, les rétroactions positives et les rétroactions négatives. L'ivresse a un effet amplificateur. Je deviens un micro planté dans une enceinte. La rigueur que m'impose l'écriture de mon texte est, dans ce sens, bienvenue.
Les deux dernières soirées ont été très drôles. Vendredi, c'était chardonnay, musique cocktail, j'étais lone dancer. Hier soir, crémaillère. On s'amusait à doubler les discussions des autres. Et puis quelqu'un vient nous parler et je lui parle. Il me demande si je suis encore dans le doublage. -- Non, là, je ne suis pas dans le doublage. Je ne me double pas. Mais si tu veux, je peux me doubler, m'autodoubler. "Alors là, tu vois, je vais, blablabla...". L'idée est énorme. Un film avec le type qui subitement change un peu sa voix et se double pour déphaser la situation.
Je crois que j'en ai rien à foutre. Lorsque je disais, à propos du concert de vendredi soir de Thiaz Itch, que c'était de la musique pour rendre les enfants totalement hystériques et que si j'avais 4 ans, je me roulerais par terre avec eux, c'était une manière pour moi de me persuader de ne pas le faire. C'est la limite.
Alors oui, moins sortir parce que cela épuise le corps, la parole, les relations. Je ne crois pas au concept de la fête continuelle, de l'orgie permanente. Les hédonistes sont des crétins. Je ne suis pas pour l'épuisement. On en revient à ces questions de rétroactions positives & négatives. Et puis le rituel de la fête est important et toutes les occasions ne sont pas bonnes. Je garde le souvenir de fêtes qui étaient incroyables. Pas de ces consommations qui finissent dans le caniveau -- quoique la soirée avec H. & P. qui a fini dans un club pseudo-VIP et où le mollosse est venu me voir pour que j'arrête de danser, c'était assez ubuesque.

2.
La découverte des films de Bergman va de paire avec ce travail. Bergman, Henze, Feldman, le trio qui accompagne l'écriture.



J'aimerais beaucoup participer à Cyclocosmia III et je dois réfléchir à la contribution pour le projet de Pascale. Si je compte le projet inachevé autour de Damiens, commencé en septembre, plus d'autres bêtises écrites ici & là sous couvert d'anonymat, plus ce boulot-là, l'année aura été fertile.

3.
Deleuze disait que Spinoza se lisait dans les scolies. Je crois que la société actuelle se lit dans les commentaires que les internautes laissent sur les articles des journaux en ligne.

4.
Assez stupidement, je me donne jusqu'à mes vacances pour finir la seconde partie de mon texte. Encore une date à ne pas tenir. Un peu las de vivre avec un chronomètre posée sur la tempe.
-- Qu'est ce que la vie moderne?
-- C'est vivre avec une montre posée sur la tempe.
Je rêve de campagne, de paix, de solitude et de silence. Vieux, je serai l'homme que vous voyez assis sur un banc, dans un parc. Ou alors j'investirai la maison de ma grand-mère et en ferai ma Farö lotoise, ma tannière. Nous ferons l'amour une dernière fois dans l'herbe avant de mourir.

3 juil. 2009

Clef de voûte

1. Alors tu persistes à croire que cela est encore possible. Tu n'as pas compris que l'histoire est finie, qu'il est trop tard pour arriver à quoique ce soit.

2. Un jour, j'écrirai une histoire qui parlera de toi. Ca pourra commencer ainsi:

Tu recherches la perfection avec des bombes et une bétonneuse. Tu construis un monde aussi idéal que tu peux l’imaginer, mais poussé par des lois que toi seul connais, tu le détruis, le ramènes à la poussière. Et puis tu en reconstruis un autre qui se veut plus beau que le précédent, plus intelligent, plus juste, que tu détruis et remplaces par un autre, un peu plus proche de cette idée que tu t’en fais, sans voir que sur les cendres de ces mondes que tu as terrassés, tu ne cesses de reconstruire toujours le même.

Un jour j'écrirai un livre sur ces personnes face auxquelles on se retrouve seul. Tu ne te soucies pas de savoir ce que je deviens, tu te soucies de toi te demandant ce que je deviens.

3. Et ce n'est pas ma démission envers le monde. Je m'occupe de moi, après avoir passé du temps tourné vers les autres, et ceci dit en dépit de ce que l'on a bien voulu me faire croire -- je garde ici une certaine rancœur, louable et nécessaire pour ne plus me faire piéger à nouveau par plus égoïste que celui qui veut s'occuper de lui, c'est-à-dire celui qui ne cesse de se placer dans une relation de besoin.

Alors je prends mon temps, un temps qui ne s'inscrit dans aucune vie, dans aucune relation. Et tout autant cette idée avait pu me sembler terrible, effroyable, parce que je la percevais via l'aspiration mortifère de l'ascétisme, autant maintenant je la perçois, à première vue paradoxalement, s'inscrivant dans le monde, faisant face à lui, et non plus le dos tourné. Tes bras ouverts ne sont qu'une invitation au repli sur soi, à cette idée de la horde qui s'oppose au monde parce qu'elle s'élabore sur la peur et la perfection.

4. Ils construisaient des cathédrales à l'image qu'ils avaient de Dieu -- et ils en étaient également dans sa crainte. C'est dans ce sens que je peux dire que vous vivez dans une cathédrale.

29 juin 2009

lundi -- deux trois choses que je sais d'elle

1. Reprise de win2 & win3 point rtf. La dizaine de jours loin du manuscrit a été bénéfique. Alors que je me sentais au bout du bout de ce que je pouvais lui faire dire & penser, j'ai ouvert la focale et un autre territoire s'est ouvert à moi -- non point trop ambitieux pour ma petite expérience en la matière, mais qui offre un champ intéressant. J'embrasse maintenant une autre étendue de la réponse que je pouva is (me) donner lorsque je me demandais de quoi je parlais ici. Le propos était concentré jusqu'alors en un point que j'ai creusé jusqu'à en arriver au fond -- tout autant du mien que celui de mon personnage.
Blam, Blam, Blam, Blam, Blam, Blam, Blam, Blam, Blam, Blam, Blam, Blam il fit glisser l'arme sur son visage. Blam.

2a. J'en reviens à mon idée: la littérature (l'acte d'être en littérature) est une question d'espace, de territoire. Proust était un mineur, sa plume était une pioche et sa bougie une lampe frontale: il creusait la phrase, auscultait l'image, à la façon de la caméra de Visconti dans Mort à Venise. La phrase creusante dessine un territoire hors de la narration -- des galeries, des replis, des sans issues, des raccourcis qui peuvent conduire à un autre point de la carte puis s'en échapper; hors du regard, elle a sa vitesse, sa liberté -- parfois jusqu'à l'excès de sortir de la carte, du territoire (-- comment ça ?, je me suis un peu éloigné de l'histoire, -- comment ça ? j'ai dépassé les pointillés qui définissent la surface du territoire de mon histoire ?). Cela n'en reste pas moins de la littérature -- puisque celle-ci se nourrit de ces galeries, de cette infime broderie intérieure, ce forage de l'idée.

2b. En découle cette question du plan, laquelle devrait être considérée comme le travail du montage cinématographique.

-- Respecte la grille, bordel!, entend-t-on dans les salles de répétition. -- La grille, je l'emmerde.
-- Et si je mets cette idée face à celle-ci, cette scène à cette autre scène, à ce point de vue, que va-t-il en sortir.


Ici, on touche à l'expérimentation dans la littérature. A ne pas confondre avec ce que l'on nomme parfois "littérature expérimentale", laquelle, très souvent, n'est pas littérature mais s'arrête à de l'écriture -- ou la beauté du geste l'emporte sur la portée du geste. Je préfère entrer dans un musée et voler un Duchamp que monter une exposition à base de ready-made. L'un, c'est du vol, l'autre, ce n'est que du pillage.








3. Alors j'ai cessé de lire pendant quinze jours. Et lorsque j'ai ouvert la focale et que j'ai vu le territoire qui s'ouvrait à moi, j'ai préféré sortir boire une bière. Sur les conseils d'une rencontre, j'ai abandonné Moby Dick version Jean Giono pour Moby Dick version Armel Guerne, laquelle est d'un autre tonneau.


Melville
Call me Ismahel.

Traduction de Giono
Je m'appelle Ismaël. Mettons.

Traduction de Guerne
Appelons moi Ismahel.




4. Mettons.

20 juin 2009

win2 & win3 point rtf

Arrivé à cet âge-là, tu avais passé toute ta vie à aimer la même personne. Cet amour avait été si violent que tu avais cru pouvoir un jour en mourir.

Quand tu réalisas que cet amour ne pouvait que prendre place dans cette histoire-que-tu-écris, la fatigue te submergea; tu tombas dans un lourd sommeil et dormis durant plusieurs heures. A ton réveil, tu te sentis soulagé; tu avais faim, et au lieu de prendre des notes, tu sortis profiter du soleil pour manger quelque chose en terrasse.

28 mai 2009

jeudi

C'est à toi maintenant. Tu peux être fier. On va te demander pourquoi. Il n'y a pas de raison à donner. Jamais. Donner des raisons, c'est se mettre dans la position du coupable. Il n'y a pas de culpabilité. Le mot même ne devrait pas venir à l'esprit. Ne rien dire. Agir ainsi, sans avoir à s'expliquer. Parce que ce qui sera demandé sera moins une explication qu'une mise à l'épreuve. Une mise à l'épreuve de ce que tu es. Au passage, il ne manquera rien pour te déclarer malade, ou fatigué ou je ne sais quoi d'autre qui te placera, évidemment, sur une échelle de valeur. Toi, malade, toi, dingue, toi irresponsable. Mais il n'y a pas d'échelle. C'est cela qui est le plus dur à admettre. Surtout lorsque l'on passe sa vie à voir le monde en regardant ses pieds. Verticalement.

Allez vous faire foutre.

Un jour, on s'endormira sans "se refaire le match". On aura assez appris pour être là quand il le faut. Uppercut droit, défense haute, un gauche, une droite, on enverra KO au tapis en moins d'un round. Parce que l'on n'aura plus le moindre ressentiment. Ils seront des ennemis pour des bonnes raisons.

15 mai 2009

Luc Moullet à la Cinémathèque de Toulouse

1. Un court-métrage de Luc Moullet, Essai d'ouverture.
1ère partie


2nde partie



2. Je voulais voir Luc Moullet, ce type dont j'avais seulement vu l'un de ses court-métrages, dans lequel il dansait comme dératé sur une plage, au son du tube proto-électro Pop-Corn.

Il nous présente son film, Le Prestige de la mort.


Puis, vinrent les questions-réponses.




3. Si, par le plus grand des hasards, vous êtes la jeune femme qui pose la question "à propos du parasol" -- et dont on peut entendre les petits rires si charmants sur le second enregistrement --, n'hésitez pas à me contacter -- il me semble que nous avons raté quelque chose ce soir-là.

11 mai 2009

le portrait de l'homme creux

1. win.rtf.

2. Millepertuis.

3. Rien.

4. Jouer encore à ce jeu pourrait être amusant; mais, on dit qu'un jour, une souris de laboratoire dit à une autre souris de laboratoire: "il est vraiment idiot ce type (en parlant du grand-chercheur), quand j'appuie sur ce bouton, il me donne un bout de fromage".

5. Un amour de Swann. La saisissante soirée chez Mme de Saint-Euverte. Gilberte.

6. Rien.

7. Plus que le rien, le vide.

8. Perdre des territoires d'une ville & devoir en trouver des nouveaux.

8b. Nous sommes encore des animaux; l'évolution de nos personnalités (ou la confirmation) passe par une acquisition de nouveaux territoires: déménagement, changement de ville, de pays, de restaurants, de cafés, nous sommes en transhumance vers d'autres lieux. D'autres s'enferment: ils deviennent des piliers. Nous sommes des nomades; nos territoires sont ceux que les autres veulent nous céder, ou bien mieux, ceux que les autres ne pourront jamais trouver, tant ils demandent une acuité, un flair, qu'ils ont cessé depuis longtemps d'affiner. Nos travaux, nos doutes, nos joies -- ah la joie! --, nos libertés, nos délivrances, nos atroces limites que nous nous révélons, n'ont de cesse de nous apprendre à affiner nos instincts. Finalement, leurs territoires ne sont que des enclos, sécurisés et sécurisant, limités à répondre à des besoins très précis pour des satisfactions très précises. Les nôtres, sont ceux que nos pas peuvent parcourir.

8c. Je n'insisterai pas. Rassure-toi. Je n'irai pas plus loin. C'est toi-même qui sera à l'origine de ton massacre. Puisque c'est ça qui te tient en vie.

8d. Les piliers ne comprennent pas les bourrasques. D'ailleurs, ils ne bougent pas.




8e. Le vent: Soutine. Un jour, une amie m'a dit: tu es le groom de Soutine.

Il te faudra encore quelques jours po...

Il te faudra encore quelques jours pour retrouver cette liberté de penser,
enclos dans un sentiment qui dépasse la finitude du corps
- ce corps qui entre dans un dialogue avec un autre corps -,

un sentiment qui repose sur ce dialogue précisément
- dans cet espace ouvert par le dialogue -
& t'emprisonne dans un souvenir d'existence possible,

(mille existences s'ouvrent et se referment à chaque baiser)

non pas l'attente de l'autre
mais de cet instant qui ne vient pas
- et qui pourrait être le pas suivant
sur un chemin
(tout chemin s'achève un jour,

alors sans trop y croire
tu poursuis l'idée que cet instant qui se fait attendre
pourrait bien exister;
(tomber sous le charme d'une autre existence,
non pas réellement l'attente de l'autre,
ni même d'un quelconque désir,
mais cette course au travers de toi-même
fuyant ces temps morts remplis de rien
qui forment ton existence



- soudain un silence envahit ton appartement,
le silence de ta voix qui ne parle pas,
de ton corps qui bouge à peine,


L'amour
- ou tout ce qui peut s'en rapprocher
puisque le travail ou l'amitié sont égaux
dans l'asservissement qu'ils proposent -


t'empêche de penser - ou de rêver;

ne pas t'induire dans des pensées qui ne sont pas tiennes

puisque tu bloques l'horizon du langage
à quelques mots


(tu te souviens du rêve de la nuit dernière,
une société qui par une manipulation du cerveau
(un petit cavalier placé à un endroit judicieux)
limiter la capacité de penser,
de poursuivre les raisonnements)



et comme les personnages de ce rêve,
à présent tu ne penses plus, à ton grand désarroi, qu'à elle.

Non pas amour, mais quelque chose se rapprochant
du silence qui desserre
l'étau de deux corps.

6 mai 2009

bouts (2)

Demain je te raconterai les pyramides
Demain je te parlerai de ces jours qui seront des devenirs,
quand les vins auront été vomis à se retourner l'estomac,
quand les cigarettes ne seront plus que des cendres,
- des mégots pulvérisés dans des verres à pied,
- et les bouches pâteuses,
- et les langues lourdes et blanches,
quand les corps se réveilleront de ces sommeils de malaise de tête qui tourne,

Petit bouchon qui flotte,
au-delà des rivages.

4 mai 2009

Le nez, les yeux et ton front qui se plisse

2. C'est comme l'histoire de ce type qui découvrit un jour qu'il s'ennuyait; avant ce jour-là, il avait le sentiment d'avoir toujours quelque chose à faire; et puis vint cette journée du 20 avril 2007; il avait fini son yaourt, une molle paresse s'était emparée de lui, il alla boire un café. A la terrasse, fixé sur sa chaise, il regardait les filles passer. Il se retourna vers l'intérieur pour jeter un œil sur la pendule du café. D'autres filles passèrent; il se retourna encore vers la pendule -- l'aiguille avait bougé mais bien moins que le nombre de filles, de cuisses, de culs qu'il avait pu mater, l'air de rien --; en revenant à la rue, il croisa son reflet dans la porte du café et il ne se reconnut pas: il avait un trait à la place des yeux et un bec à la place de la bouche, "bordel! je ressemble à Trondheim", s'écria-t-il. Il décida de s'intéresser à la musique. Comme il ne connaissait aucun artiste et n'écoutait jamais la radio, il commença par la lettre A. Aujourd'hui, il est à ABBA, et demain, il va mourir.

3. En écartant le rideau, elle libéra une guêpe prisonnière qui, apeurée, traversa la pièce et disparut dans l'obscurité du couloir. Elle la suivit du regard, espérant qu'elle ne vienne pas à voleter près du canapé en cuir – ce canapé où les stations y sont longues, où l'imagination se perd dans la mémoire, jusqu'à ce que la mémoire devienne elle-même l'imagination d'un temps qui n'a pas eu lieu – ai-je été là, l'ai-je rêvé, suis-je encore là, fallait-il que je sois là ? L'insecte disparut dans l'ombre d'un couloir, elle se retourna sur la rue, regarda par la fenêtre, le voisin avait déjà disparu, l'après-midi était du printemps, l'heure était à la poussière.

Rêves

1. (Aujourd'hui, grasse matinée) Je suis dans la rue; je cherche un timbre; je trouve un distributeur de timbre (je m'étonne d'en trouver un dans la rue), il ressemble à horodateur; je mets de la monnaie, j'appuie sur le bouton Etranger/Europe (je suis en Russie, ou Pologne ou approchant); des pièces tombent en quantité, qui débordent de la machine puis quand je veux les prendre, elles disparaissent (elles sont avalées par la machine comme un aspirateur) et à la place, il y a 2 euros 50-60; le timbre est de 0.50 euro. J'ai deux lettres: une que je veux envoyer et une autre sur laquelle je veux coller une image -- auparavant, je suis passé dans un magasin pour acheter une grande vignette autocollante de Groucho Marx; je vais aux abords d'un lycée pour poser mes lettres et coller mes affaires sur les lettres; le timbre est autocollant, épais, plastifié et vert; il est mal imprimé, le pré-découpage ne correspond pas aux bordures du timbre; le découpage est en S; je m'étonne de ça et de son épaisseur plastifiée; derrière la grille du lycée, il y a un père avec deux de ses enfants; un troisième est à côté de moi; ce sont des pré-ados de bonnes familles, "à mèche"; je pose la lettre et colle le timbre; mes lettres glissent derrière la grille; d'autres ados cherchent à s'en emparer mais je les retiens; l'un me tient la main; comme j'ai quelque chose d'énorme dans la bouche (entre le chewing-gum et une grosse boule de glaire) je cherche à lui cracher/déposer dans la main; en voyant ça, il relâche ma main; un enfant à côté de moi a pris mon image de Groucho Marx et l'a pliée en deux, collant un côté sur l'autre; je m'énerve contre lui et appelle son père qui a disparu; je récupère mes lettres et m'éloigne de la grille; un jeune homme, dans les 25 ans, est là; il me demande ce que je fais là; je lui demande qui il est, si c'est un élève ou un pion, ou un flic; il me dit qu'il va me dire mes droits; je lui demande s'il me prend pour un pédophile ou quelque chose comme ça et que c'est n'importe quoi; je lui raconte ce que l'enfant a fait de mon autocollant et aussi l'histoire des lettres; il me parle mais je m'en vais; je rejoins mon hôtel; je croise une dame, la cinquantaine; je l'ai déjà vue avant tout ça, elle était là, mais elle jouait un autre rôle; il y avait aussi une autre dame, plus jeune mais elles se ressemblaient; au début, elles avaient des rôles définies et à la fin, arrivée à cette partie, elles ont interchangées leur rôle; la voix-off laisse entendre ce qu'elle pense à propos de l'autre dame: "quelle conne"; je lui demande quelque chose, où se trouve la boîte aux lettres; c'est une russe; elle est un peu plus grande que moi, habillée d'un long manteau, le visage ridé; je la remercie et fais quelques pas avant de me retourner; je reviens vers elle et l'embrasse sur les lèvres, puis de manière plus appuyée; elle sourit et s'amuse de cela; on se salue, partant chacun de notre côté; je lui dis "à bientôt" et elle comprend la blague et s'en amuse d'un clin d'œil, parce qu'elle sait qu'on ne se reverra plus.



2. (Autre nuit) Je marche le long d'une route, une ligne droite (exactement la route qui conduit de V? à St-D.) mais en plus étroite; des voitures me dépassent; la circulation est dense, très dense; ce sont des voitures des années 30-40, très grosses, très luxueuses; une voiture percute une autre sous mes yeux; la voiture percutée tirait un traineau et un landau; tout se passe vite, la voiture repart; dans le traineau, il y avait un bébé qui a été projeté dans le fossé; je le prends et le mets dans le landau; je le ramène chez mes parents; ils n'habitent pas dans leur maison mais une maison très années 30, fauteuils en cuir, ambiance cognac; on se dit qu'il faut prévenir les parents de l'enfant, parce qu'ils vont s'inquiéter; on déduit qu'ils sont en vacances dans l'un des hôtels de la région; je suis au téléphone et je cherche à composer le numéro; je n'y arrive pas, je me trompe toujours dans la composition du numéro, parce que je fais l'effort de me rappeler s'il y a un indicatif ou pas; ma mère m'apporte un autre numéro "plus récent" d'un hôtel dont je sais qu'il n'y a pas d'indicatif à composer, mais je n'y arrive toujours pas; je m'y reprends des dizaines de fois mais je m'arrête toujours au milieu parce que je me rends compte que je me suis trompé; je me sens impuissant à ne pas pouvoir composer ce numéro.

21 avr. 2009

Une belle journée en France

PARIS (Reuters) - Enseignement de la Marseillaise aux immigrés, incitation au respect du drapeau et éducation civique pour étrangers : le gouvernement français entend adopter bientôt un programme d'action pour promouvoir le "patriotisme".

Le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale Eric Besson a laissé entrevoir mardi des mesures en ce sens qui seront prises sans doute en juillet prochain, lors d'un comité interministériel à l'intégration.

(...)

PARIS (Reuters) - La justice française a interdit l'exposition de cadavres humains "Our body, à corps ouverts", donnant raison à deux organisations de défense des droits de l'homme, apprend-on auprès de leur avocat.

(...)

Les forces de l'ordre ont interpellé mardi matin 194 personnes lors d'une vaste opération contre l'immigration clandestine dans la région de Calais. Parmi les migrants d'origine pakistanaise, iranienne ou irakienne, 44 ont été placés en garde à vue. D'après la préfecture du Pas-de-Calais, cette intervention a permis de révéler la présence de nombreux mineurs parmi les migrants, ainsi qu'un état d'insalubrité préoccupant sur les lieux. Cette opération visant à démanteler les filières d'immigration clandestine intervient à 2 jours de la visite du ministre de l'immigration, Eric Besson. (SWISS TXT)

(...)

Ca sent le brun.


19 avr. 2009

Eric et Henri

T'es mort. Voilà, les choses sont faites. D'un point à l'autre: entre Séb et toi, un hiver a passé. D'un côté, une grande fête pleine de vie, de rires, de pleurs, Seb sur son surf qui récite la lettre de Guy Moquet et de l'autre, l'anonymat, le secret. Eric, tu es mort il y a trois semaines, et personne ne semblait être au courant.

Ta mère, la psy, t'avais placé en hopital psychiatrique. Tu es mort là-dedans, paraît-il. Je me souviens des tableaux que tu avais offert à E. Je me souviens aussi de cette soirée où tu m'as dit qu'on devrait faire de la musique ensemble, que tu apprenais la clarinette. Tu avais le regard vide de Syd Barrett. Toi aussi, t'avais forcé sur la dose. La micropointe t'avait dévoré le cerveau. Mais on dit que t'avais déjà des problèmes avant. Que cela n'avait fait qu'empirer les choses. On donne toujours des raisons pour excuser nos manquements. On t'a laissé filer, c'était comme joué d'avance. T'étais revenu de Amsterdam détruit. Les autres t'avaient abandonné. Tu errais dans la ville, on se croisait. On discutait un peu. Tu fais quoi, tu deviens quoi. Moi dans ma névrose, ma solitude, toi dans ton monde que tu regardais les yeux vides et tristes. Stéphane t'accueillait de temps en temps, quand tu avais des permissions de sortie. E. & B. allaient te voir, là-bas. C'était les seuls. Ils allaient à Albi te voir, les dimanches. J'avais eu l'occasion de les suivre, mais je m'étais défaussé au dernier moment. Je suis aussi un petit homme.

L'annonce de ta mort scelle, par un curieux hasard, la fin de ma lecture de Acid Test, qui parle de trips sous LSD. Tu arrives là, après 6 mois d'un long tunnel que j'ai creusé pour m'éloigner du dècés de Séb. Tu boucles la boucle.

Depuis quelques jours, je lis un peu partout la disparition de Henri Meschonnic. Un nom que je ne connais pas. Tu ne devineras jamais, Eric, ce qui vient de se passer. Dans le tas de livres qu'il y a au pied de mon matelas, j'ai trouvé un bouquin de Henri Meschonnic. Ca s'appelle Nous le passage, c'est de la poésie. C'est ma soeur qui me l'avait donné avec toute sa bibliothèque, quand elle faisait sa crise mystique. Ce sont des courts poèmes. Comme il fait beau, je vais aller lire ce livre sur un banc.

Je t'embrasse Eric.

(Cassavetes & Falk dans Mikey and Nicky, Elaine May)

15 avr. 2009

Clavinova


1. Hier soir, dans mon sommeil, j'ai très fortement pensé à toi. Ce n'était pas un rêve, mais une présence dérangeante, des mauvaises ondes, un fantôme qui venait m'habiter. Je me souviens de m'être relevé sur mon coude, tu devais être par là, dans la pièce. Toi ou quelque chose de toi. A midi, je t'ai appelé et ça n'a pas décroché. J'ai laissé un message en disant que j'avais rêvé que tu étais entrée dans une secte & que ça me ferait plaisir d'avoir de tes nouvelles.

Ce qui c'est passé cette nuit me met dans une certaine fébrilité -- je ne devrais pas certainement. J'ai eu Vanessa qui m'a dit t'avoir vue à la piscine et que tu étais allée voir des docteurs. Et puis Gisèle a dit que tu étais venue répéter la semaine dernière. Ça m'a rassuré. Ce soir, je me suis un peu remis à mon piano en plastique (le clavinova est au piano ce que la poupée gonflable est à la femme)


"t'es aussi sensuelle qu'un clavinova"


au clavinova parce que j'ai trouvé une petite mélodie qui tourne sur un accord de sol & de do, et je ne trouve pas la suite. Je retrouve la puissance d'un Sol et d"un Do. C'est bon signe ça.

J'ai eu ma mère au téléphone qui m'a dit, très discrètement, que ses petites affaires d'articulation devenaient un peu plus sérieuses. J'avais deviné à la voix sur son message que quelque chose n'allait pas vraiment mais on fait comme l'air de rien "je vais pas lui foutre la trouille". Ma mère me sait sensible. Je deviens une petite grand-mère a-t-elle dit en riant. J'ai pensé à toi et à tes épaules qui se bloquent. Le monde autour de moi perd en souplesse. Je vais retourner au taï-chi.

2. Depuis quelques jours, je repense souvent à S. Depuis sa disparition, c'est peut-être la première fois que je me retrouve enfin un peu seul, sans avoir quelque chose à faire pour me distraire de cela. C'est bien. Pas envie de sortir. Juste chouiner dans mon coin. Parce que c'est bien de chouiner, aussi, de temps en temps.

3. Je me souviens des cours de piano que tu me donnais. En échange, je te donnais un texte que j'écrivais dans la semaine. Après le cours, on sortait s'acheter un sandwich qu'on mangeait sur un banc. On se disait au revoir de la main, à samedi! A samedi! on se faisait, tout fiérot.

10 avr. 2009

Pommade

T'as la mémoire courte; en d'autres temps, toi aussi tu étais en plein dedans et l'air de rien, je prenais garde. Peut-être aurais-je dû être plus démonstratif pour avoir un juste retour des choses. Rares sont les personnes qui perçoivent ces attentions, presque invisibles. La bienveillance, l'attention sont bien peu de choses dans la plupart des relations; pour être bien vu, il faut du démonstratif, du "je te passe la main sur l'épaule" qui coûte peu et rapporte beaucoup à l'ego. celui qui panse se gargarise souvent; il ne soigne pas seulement la plaie de l'autre, il se passe également une jolie pommade. Ego, ego, ego. Accroché à ton ego, hang on to your ego comme dit la chanson. Je sais très bien que tu n'attends qu'une chose: c'est que je te dise que je passe une période difficile et alors tu te mettras en quatre pour me soutenir, y allant de ton discours, de tes méditations compréhensives sur le monde, plus quelques conseils paternalistes. Et ce n'est pas cela que j'attends de mes relations. J'ai déjà un père & un frère.

En dépit d'une certaine tristesse qui m'envahit parfois, tout cela me rassure. Ce n'est finalement pas moi qui déraille. On est toujours tenté de se remettre en question, c'est dans la nature des choses. Ceci jusqu'au jour où l'on se rend compte que ce n'est pas nous qui faisons n'importe quoi mais bien l'autre, en face. La pommade que tu passes, ce n'est pas mon problème, c'est le tien; que tu agisses ainsi pour dorer ton image, te donner une bonne conscience, c'est ton problème. Qu'il n'y ait rien en retour des services rendues et que cela me rende fou, c'est un autre problème auquel je dois trouver une issue; et elle se trouvera toute seule, j'en suis certain. Mais je ne vais pas revenir sur ma manière d'agir pour avoir des retours. La non-démonstrativité que j'applique dans mes relations et ma manière d'agir, elle me convient parfaitement, je suis en phase avec. Et je souligne en phase parce que je me suis posé la question maintes & maintes fois. Il y a peu, je disais à une personne "j'aime bien faire l'idiot" et elle m'a répondu qu'elle s'en était rendue compte, ie. qu'elle avait capté mon petit jeu. C'est ce genre de remarques qui me permettent de croire encore à l'existence de personnes capables de percevoir un minimum de finesse. Je sais qui j'ai aidé et ces personnes le savent. J'en ai soutenu d'autres et elles ne le savent pas. C'est leur problème. La relation humaine n'est pas une économie marchande; tu passes de la pommade comme d'autres tirent un trait vertical sur une feuille, écrivant d'un côté Crédit, de l'autre Débit. Ce que je peux donner, combien ça peut rapporter à mon petit ego.

La grande pitié catholique, la grande solidarité démonstrative m'a toujours ennuyé parce que dans bon nombre de cas, elle repose sur une mauvaise conscience de soi. Les gens que tu aides, pommades, peuvent remercier ta mauvaise conscience, elle leur doit beaucoup. C'est pour cela que tu sembles agir avec désinvolture, sans intérêt, parce que tes transactions ne sont pas entre toi et les autres, mais entre toi & ta mauvaise conscience. Toi et les autres, vous faites une petite machine bien huilée; toi tu donnes et en contre-partie, tu redores ton image. Il doit exister un schéma équivalent dans la Nature, mais à l'heure actuelle, je ne l'ai pas trouvé. Mais ça se rapproche d'une certaine idée d'un catholicisme coupable, un classique du monde occidental.

Je ne veux pas perdre mon temps à essayer de te convaincre. Je ferai dorénavant sans toi. Il n'y a pas expliquer. Lire Spinoza, Nietszche, revenir aux textes taoistes, une psychanalyse, pencher la tête et s'apercevoir que le monde n'est pas comme il paraît.

Je suis loin d'avoir fini ma mue: du tao, je n'en suis encore qu'un lecteur peu averti: la paix, l'harmonie avec soi & le monde, je n'en goûte pas encore pleinement les délices; la béatitude spinoziste est une idée que j'entr'aperçois; je suis encore capable de beaucoup de rancunes; sache qu'en d'autres temps, je saurai te rendre l'espèce de mépris dont tu fais preuve. Et j'y mettrai les formes, puisque tu y es si attaché.

7 avr. 2009

Avancement

1a. Win.rtf: 11 feuillets de 1500 signes.
1b. Super-héros: 6 feuillets.
1c. Damiens: cinquantaine de feuillets.
1d. Habib: une centaine.
2. Les paperoles de Proust sont des galeries. Proust était un mineur.
3. Creuser le texte -- non pas étendre sa surface, mais sa profondeur.

19 mars 2009

La Princesse de Clèves à la manif'

Le texte que nos joyeux drilles essayent de glisser dans la métrique d'un slogan est: "Le goût que le roi François 1er avait eu pour la poésie et pour les lettres régnait encore en France"
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves (1678)



Toulouse, place Jeanne d'Arc, un jour de mars 2009, vers 6h du soir.

12 mars 2009

xqz



Comme nous sommes tous l'idiot de quelqu'un, nous sommes tous le vide d'un autre, son fantôme, son invisible, impalpable et sans corps, traversé par le monde où l'autre figure et nous non.

Tu joues la comédie, tu t'agites, tu remues les bras, fourres ton doigt dans ton nez, l'autre que tu vois impassible est comme mort. Peut-être l'est-il réellement. Chacun dans sa parcelle, sa petite zone avec son Histoire, sa Géographie, nos cartes se superposent le temps d'une plaisanterie un peu trop appuyée, d'un regard qui s'abandonne au-delà d'un temps raisonnable et devient perceptible.

Appuie sur le bouton, appuie bien fort, continue, presse, défonce-le si tu en as envie, quand la machine sera cassée alors tu pourras devenir une autre raison d'être.

(Sister Iodine, xqz, Adn 115)

11 mars 2009

La sélection du bureau, février 2009

La sélection du bureau, février 2009, ça sort du territoire de la pop pour défricher quelques terrains improbables -- merci encore à wfmu.org pour les pépites.




A télécharger:
http://ventolin.free.fr/mp3/Fevrier_2009.mp3

Liste d'écoute:

The Breeders - Istanbul
Découverte du dernier album des Breeders comme si c'était la nouveauté du mois alors qu'il est sorti l'année dernière. Et c'est loin d'être mauvais, un peu foutraque et des choses plutôt intrigantes. Et puis Istanbul est une ville fascinante.

Otha Turner & The Afrossippi Allstars - Stripes
Dans le Delta du Mississippi, il n'y a pas que des vieux bluesmen, il y a aussi des joueurs de flûtes taillées dans des roseaux, accompagnés énergiquement de quelques tambours de fanfare. (wfmu.org)

John Lee Hooker - Huckle Up Baby
Simple.

Deerhoof - Come See The Duck
Le Deerhoof du mois.

Kenny Barron - Sunshower
Improvisation pianistique. (Merci Clara)

Lavender Diamond - Off The Cuff Interview

Un bien joli prêche d'une chanteuse vraisemblablement hippie. (wfmu.org)

Polyps - Untitled

Démo d'un titre inconnu d'un inconnu. (wfmu.org)

Lazy Magnet - Masters Of Science Fiction

Attention, morceau de batard. Les effets spéciaux sur la voix du Master of science-fiction sont particulièrement redoutables. Et ça me fait marrer comme un idiot. (wfmu.org)

Dukes of Stratosphear - Bike Ride To The Moon

Derrière ce groupe se cache XTC. Tiré de l'album qui a donné la puce à l'oreille aux Stone Roses de choisir John Leckie comme producteur.

Ziggy Bathtub - Bowie Medley (extrait)

Le "morceau" dure 8 min., et a été ramené à un peu plus court. Un type qui chante du Bowie dans sa baignoire. A écouter en boucle. (wfmu.org)

Deerhoof - Spiral Golden Town

L'autre Deerhoof du mois.

4 mars 2009

1999

"Je suis un voleur, tu es silencieuse."




Bonjour Alice,

1. Le problème de mon chèque est résolu.

2.J'ai été surpris hier soir par ton invitation, j'ai conclu par: "les rêves n'appartiennent qu'à soi". Je ne sais pas en définitive. J'aurais rêvé (et le terme est fortement approprié) t'accompagner, mais je n'étais pas dans les mêmes sensations que toi, pas dans le même univers que le tien, je crois que je t'ai un peu égarée dans mon fauteuil, tu étais perdue alors que je ne voyais qu'un large fauteuil à la clarté du jour. Mais ce n'est pas grave, j'espère que tu as poursuivi tes songes. Je me suis toujours (sic) dit que tes rêves "éveillés" n'étaient que le fruit de l'imagination dont tu ne peux te délester lorsque l'on dort, rêvant la tête soyeuse, en boule dans la couette, là où bien que les yeux soient clos on voit, là où bien qu'il n'y ait nul son provenant de l'extérieur on entend. J'aurais aimé poursuivre avec toi le long de la sinuosité de ton imagination, me perdre également, peut-être guide, peut-être voyageur, fort probablement les deux, l'un l'autre se menant où ils le désirent, sans aucune révolte parce que l'imagination ne serait commune qu'à partir du moment où on ne la contrôlerait plus. Cela demande peut-être aussi de l'entraînement, qui sait! Ce genre de choses est finalement très intime; lorsque je me fonds dans le silence de mes songes (tu sais, les yeux dans le vide, etc.) je ne suis plus accessible parce que je n'existe plus, si ce n'est dans l'univers qui m'est propre et qui se révèle alors à moi. Et il en est certainement de même pour toi. Mais ce n'est pas une utopie que tu as eu hier de vouloir m'emmener là où tu vis les yeux repliés sur ton monde. Il faudrait que je le visite moi aussi, ou plutôt qu'il se révèle à mon regard, sans même le pénétrer, juste le ressentir, ne pas forcément en avoir une description détaillée, mais juste les volumes et les couleurs. Ce n'est qu'une histoire de volonté, et cela prend autant de temps que cela nécessite de confiance.

3. Il y a énormément de choses qui me surprennent, peut-être qu'un jour je t'en ferais part, j'ai l'impression de vivre ce que j'ai commencé à écrire, comme si mon imagination, le fruit même de mes rêveries, prenait le pas sur la réalité.

3 mars 2009

La promesse du monde - "Longtemps, je me suis couché de bonne heure."

Moi dans le monde, j'étais une promesse. J'avais douze ans, quinze ans, j'en ai soixante-quatre, j'en aurai cinq, je suis en guerre contre le monde, mon père est slave, ma mère est noire et la terre d'Afrique est rouge, mon oncle est un fasciste, ma sœur a connu l'amour dans le lit de mille hommes, je suis une petite fille, j'ai acheté un jour un livre que j'aurais pu voler, mon pays est sans frontière et je n'ai pas d'âge, autour de moi le monde est une forêt, est une ville sans fin que l'on traverse en dix pas seulement, la lumière est invisible mais elle colore d'un halo le regard aux paupières closes, le silence de mon lit quand tu dors à mes côtés, tu étais chinoise, je suis indien, nous avons fait la révolution mais ce n'était pas suffisant, je t'ai embrassée comme mon père a embrassé ma mère un soir d'août, dans une petite cabane sur les rives de l'Euphrate, nous portions nos habits de fête faute de mieux, quand grand-père est mort l'Homme a marché sur la lune, tu as prié pour moi et j'ai cru en Dieu et ensuite j'ai prié pour Toi, maintenant nous sommes seuls et certainement bienheureux, finalement ainsi tout débute, puisque nous sommes des témoins, avant nous, après nous, ainsi sans cesse, ainsi des histoires, des lieux, des temps, des modes, des variations infinies comme chaque vague a sa singularité qui la distingue des autres vagues qui forment toutes les mers, l'océan antique sur lequel les navigateurs ont croisé Ulysse, les pirates et les porte-avions américains en ligne de mire des kamikazes japonais, nous ferons nous aussi la guerre, et si ce n'est pas dans ce monde que cette vieille fille écrit en secret dans une maison non loin de chez moi, cela sera ailleurs, c'est-à-dire toujours ici, malgré les distances, les panneaux indicateurs, les voyages qu'il faut faire pour voir jusqu'où cela s'arrête, et toi tu courras quand tu me verras, tu t'enfuis toujours ainsi sans raison valable à mes yeux, un jour tu cesseras de courir, fixe en un point qui sera au croisement de deux lignes, ton doigt tendu indiquera le nord, les yeux mi-clos face au soleil, comme face à la mort, mi-clos, sans répit, sans douleur, sans souvenir, sans histoire, le nouveau-né que je fus, face à la mort une première fois ("nique-la avais-je dû entendre -- et je l'ai niquée une première fois") -- comme la promesse du monde se terre dans la balle qui traverse la cervelle d'un otage, et un jour tu t'arrêteras et avec toi la terre s'arrêtera un peu de tourner, ne serait-ce qu'un instant, cet instant qui scelle le corps au souvenir d'un lieu, d'un temps, d'un agencement du monde -- ...

23 févr. 2009

Préambule (la clef de voûte)

1. L'idée extravagante s'impose à l'esprit sonné -- avant la fatigue excessive, la convalescence, l'idée se cache derrière une allure de normalité; la réalité n'est pas encore habitée par cette idée qui va la bouleverser comme le sculpteur bouleverse la matière pour en sortir une pièce. Pour l'instant, tout semble normal -- parfois des territoires apparaissent et disparaissent; par bribe, l'idée prend place mais ne se conçoit pas encore complètement, seul le terrain travaille à son apparition.

C'est en revenant d'une fête ("cette fête où l'on a perdu notre temps") ou encore au lendemain d'une petite fièvre -- quand la parole est faible et les gestes sont peu assurés (le corps flou, en léger déphasage) que l'esprit trouve l'espace pour s'affranchir du regard critique qu'il portait sur lui-même; il se laisse posséder par cette idée (détrousser, corrompre, fourvoyer, transporter, ravir), comme une évidence que l'on aurait repoussée jusqu'alors pour mieux l'embrasser à cet instant qui s'offre à nous -- à laquelle nous nous offrons, sacrifiant une part de notre rigueur pour nous tordre à cette idée qui nous pousse aux doutes tout en se révélant être évidente, adéquate à notre condition. L'idée s'étend, découvre une cohérence qui liait ces bribes, ces soupçons; un territoire singulier apparait, grotesque et difforme aux yeux des autres (et c'est bien pour cette raison que ces idées extravagantes sont le plus souvent confinées au secret, réservées à l'intime) -- idée qui dévoile un territoire qui nous remplit parfaitement puisque il ne nous couvre pas seulement, mais ouvre des perspectives dans ce réduit que nous habitions.

2. La clef de voûte.



8 févr. 2009

Ricercare à 6 voix

1. L'histoire dit que Frédéric II de Prusse demanda à Bach d'improviser à partir d'un thème qu'il lui joua à la flute -- Bach se mit au clavier, un piano et non un clavecin et travailla le thème, improvisant le ricercare à 3 voix; pour celui à 6 voix, il lui fallait un peu de réflexion; il revint chez lui et finalement composa L'Offrande Musicale, ensemble de 13 pièces, parmi lesquelles le ricercare à 6 voix. Trois siècles plus tard, en 1932, Webern écrivit (offrit) une orchestration à cette pièce.






1b. Le massif, l'imposant maitre de chapelle, qu'on imagine avoir des larges mains aux doigts épais -- des mains de jardinier, d'agriculteur, de ces mains qui sèment, cueillent, travaillent chaque jour, caressent les pétales et arrachent les mauvaises herbes, griffées par les ronces, coupées par des mauvais coups de ciseaux -- pleines d'encre, puissantes au contact de l'orgue et qu'il réunit et porte à sa bouche et réchauffe de son souffle, dans le froid humide de cette chapelle où il se rend tous les jours -- Bach et son ricercare à 6 voix -- même le plus grand mythomane du monde, le plus atteint, le plus malade, ne pourrait faire chanter ensemble six voix dans un même instant, sachant qu'aucune ne connait la note qui va suivre; Bach: dont l'ensemble de l'œuvre mis bout à bout correspond à une semaine de musique, 7 fois 24, 168 heures; face à Bach, Webern, avec seulement ses deux heures de composition, passe pour un maladif, un souffreteux, un tubard -- pas de longues courses effrénées à travers champs, chez Webern, se rendre à la fenêtre, c'est déjà un exploit. Webern a un point commun avec le grindcore: pas plus d'une minute par pièce -- mais tout le reste les oppose: le silence, les couleurs.

(C'était l'été, et tous les jours après le journal du soir, on regardait, ma soeur & moi, Boulez diriger l'orchestre inter-contemporain -- il s'agissait de répétition: Boulez en polo Lacoste, "on reprend à 48" et la machine, au regard du chef se mettait en place, le percussionniste, le violon, la flute, les timbres, les couleurs, les silences, le polo Lacoste de Boulez, la mèche qu'il replaçait sur son crâne dégarni, tout cela nous laissait pantois mais nous y revenions chaque jour, ne comprenant rien à cette musique, Webern, Schoenberg -- deux-trois ans plus tard, toujours durant les vacances d'été, je suivis Die Zwiete Heimat d'Edgar Reitz -- la seconde période, celle qui raconte l'histoire de l'Allemagne après la seconde guerre mondiale et la jeunesse d'un groupe d'amis musiciens, dodécaphonistes à souhait.)

2. Et puis Webern orchestre le ricercare de Bach. Et alors on passe du noir & blanc à la couleur, aux deux dimensions s'ajoute une troisième, l'horizon -- et tout s'organise non plus en fonction des mélodies, de la forme -- les méticuleuses ornementations, les broderies, les motifs disparaissent -- de temps en temps elles réapparaissent, passant d'un instrument à un autre, comme une balle qui irait de main en main, chacun la portant -- mais maintenant la petite histoire des voix s'efface, nous sommes dans le monde, et toutes peignent dans un élan un tableau unique, par touche, par traits, stries & aplats, parfois l'équilibre se voit chavirer puis se redresse par un silence, un pizzicato, et les cordes s'ouvrent et la mélodie de Frédéric II de Prusse revient majestueuse et déchirante.

(Ce matin, en me rendant voir C. qui m'inviterait boire un café -- encore vacillant de la nuit précédente -- la dépense de l'excès et non l'excès dans la dépense -- je chantonnais dans la rue ce thème de l'Offrande Musicale, le soleil était d'accord et les passants allaient, et je me disais combien pouvait être violent le sentiment d'être vivant. Et nous le sommes.)