31 oct. 2006

la voisine (2)

1. Aujourd'hui, elle était en retard -- du moins fallait-il qu'elle pense l'être pour devoir traverser l'avenue en trotinant. Elle a écouté de la musique sur un lecteur portable de cédés, après avoir sauté la plage 4, elle a écouté à deux reprises la plage 6. Je n'ai par contre pas su ce dont il s'agissait. Elle avait cette fois-ci un cartable en simili-cuir; elle n'est pas descendue à l'arrêt habituel; elle avait ses cheveux attachés en chignon. Elle aurait des doigts de violoniste.

2. L'ecueil à éviter: la digression transgressive; garder la ligne droite, ferme. Réintroduire Habib dans son milieu, sa vie au quotidien, les voisins, les connaissances, les rapports qu'il entretient avec les autres. Introduire un voisin, une voisine, quelqu'un qui sera l'oeil neutre, dépourvu de tout affect, de toute émotion -- un oeil comme une caméra, jugeant à tout va et qui ne dit rien, mais n'en pense pas moins.

30 oct. 2006

les digressions

1. Elle habite dans le quartier; je l'ai observée quelques secondes descendre la rue, marchant d'une allure un peu voûtée, comme déjà âgée. Dans le bus, suite à la descente de plusieurs passagers, nous nous sommes retrouvés face à face -- séparés par la présence d'un autre passager, debout, et qui avec son bras cachait une partie du visage de la jeune femme; ce qui m'a permis d'observer plus en détail et ceci sans être vu, sa bouche -- petites et fines lèvres sur lesquelles glissent un sourire que je ne soupçonnais pas --, un menton rond, des petites fossettes et ses doigts qui tenaient un biscuit chocolaté qu'elle mangeait à deux mains comme un petit écureuil.

2. J'ai commencé Les trois amours des soeurs Piale de Richard Millet. Ses digressions m'ont permis de prendre conscience que la digression ne doit pas être un hasard d'écriture mais un point vers lequel l'auteur amène, à son insu, le lecteur; lui donner une information, faire naître une émotion dans les sentiers battus du récit principal.

10 juil. 2006

L'envergure

1. Douleur à l'oeil gauche; dormi à poil, très mal -- la gorge sèche, mon lit encombré par des hordes d'italiens qui ne cessaient de tomber comme des feuilles, entraînés par Francis Huster. Je me souviens de cette phrase terrible de Robert Walser dans je ne sais plus quel bouquin: "l'italien est moyen". J'ai définitivement décidé d'arrêter de regarder les Sopranos et ne consacrerai plus mes loisirs télévisuels à regarder Plus belle la vie.

2. Nous n'avons pas signé de contrat, mais c'est tout comme: http://www.angstrom-records.net/

3. La douleur à l'oeil gauche est insurmontable; je vais fumer une cigarette.

24 mai 2006

non

Tu peins, tu composes, tu sculptes, tu écris, tu blâmes le monde de n’être qu’une grande surface, tu exposes, tu dis, tu inventes, tu chantes, tu crées ton présent en un théâtre sans spectateur, tu classes, tu tries, tu coupes, tu cisailles et colles des bouts de papier sur une feuille blanche, tu cut-ups et tu souffles dans un tube, et d’un bout de verre tu en fais une pièce unique, et tu brûles, et tu joues, et ton cœur bat comme tu entres en scène, tu crées un présent en un théâtre sans spectateur, et l’on t’applaudit, te félicite, t’encourage, tu existes parmi des millions comme toi, tu est nous et nous sommes infidèles à l’histoire qui n’est plus qu’un grand sac où la main plonge et en sort un morceau peint, composé, sculpté, écrit, retravaillé jusqu’à l’appropriation comme un vol qui aura la valeur de celui qui l’aura volé, samplons, agissons là, peignons, composons, sculptons, écrivons, blâmons le monde, exposons, disons et inventons, chantons-nous le cœur rempli d’une foi aussi puissante que notre impuissance à ne pas voir que tout cela n’est que de la merde.

23 mai 2006

ackles

1. A la recherche du Candy man mythique, tomber sur un titre qui n'a aucun rapport et qui caresse l'oreille comme elle tord fébrilement les tripes, Candy man par David Ackles, illustre inconnu songwriter américain des années 70.

2. Retrouver le courage pour me remettre au dac.

3. Avant tout, il y a le Nom. Avant tout, il y a le Nom -- bien plus que celui que l'on a, mais celui qui nous représente, et celui à travers lequel le Nom nous représente (?).

4. Rechercher le sens en tout cela; ce n'est pas assombrir inutilement des journées entières, mais c'est rechercher ce dont on est fait et qui mène, invariablement. A la suite de cela, il y a la liberté de penser, de juger, d'agir comme bon il nous semble. Mais avant, il y a cette perte de sens, et se saisir de ces instants comme un acrobate de son trampoline, même s'il a le sentiment, durant un court instant, de tomber dans le vide.

18 mai 2006

861

1. Acharnement sur le BWV861; il est maintenant plus délicat -- mais je n'en suis qu'à la 5ème mesure et la route est longue de 20.

2. Avoir trouvé le nom et se sentir enfin en sécurité -- et sentir celui-ci comme une porteuse.

17 mai 2006

mercredi

1. Avancement dans Faction.

2. Au travail, ce sont les vacances; fumer une clope, jouer à un jeu, écrire, faire semblant.

3. David Chatenay vit maintenant à San Francisco, il a une moto et va à des concerts de Sigur Ros; Yann Romagnoli est marié, a deux enfants, et fait des photos très jolies. http://www.photo.net/photos/yannromagnoli.

4. Moi, je vis à Toulouse, j'ai un vélo hollandais, je n'ai pas d'enfant, et je fais aussi des photos http://www.flickr.com/photos/90531613@N00/

5. Toute la journée, je fais de la calligraphie; j'en suis à la lettre S, que je trace assez rapidement, dans le plus pur style de l'écolier appliqué. Et je me dis, en revenant de la machine à café, que j'apprends à écrire.

6. Comme des millions sur terre, je passe ma journée à regarder les culs et les nibards.

16 mai 2006

ex-girlfriend club

1. Je répétais mon BWV861 que j'avais siffloté toute la journée, quand je me suis arrêté subitement; à dire vrai, je me suis arrêté quelques secondes et puis j'ai frappé du poing gauche le piano (mi-fa-sol), et de l'autre main j'ai tenu trois notes mécaniquement, dans la plus claire des lucidités et ceci pendant plusieurs minutes, peut-être même pendant des heures, voire des années (je ne me souviens plus), le temps passait vite, enfermé dans ma rage et cognant sur les notes et ces mots comme ces notes cognées qui revenaient "rien sera toujours, rien sera toujours, rien sera toujours, rien sera toujours".

2. Le titre Ex-girlfriend club sur le dernier album de Television Personalities est effroyable -- combien sommes-nous là dans la rage la plus sourde, la plus muette. Alors nous faisons du rock.

15 mai 2006

sortie du tunnel

1. Je ne sais plus où j'ai écrit cela -- je me souviens juste de l'avoir pensé, et j'ai dû le penser si fort que j'ai l'impression d'avoir donné à cette pensée fugace tout le poids des mots écrits --: l'année 2006 a enfin commencé, le jeudi 11 mai 2006, l'année 2005 a pris fin. Bonne année!

2. J'envie ce type (Trondheim); je passe tous les jours sur son blog, et je me dis que j'aimerais avoir sa capacité de production; il fait quoiqu'il arrive, avance comme un bulldozer.

3. Ai regardé tout le week-end la seconde saison de Curb your enthusiasm, c'est rudemment bien.

4. Ai commencé à prendre des notes pour Faction (titre provisoire). Dans l'idée saugrenue d'aller plus vite, je me dis que ça serait bien que je réalise une petite application qui me permettrait d'écrire; et je me rends compte une fois de plus que c'est une manière détournée pour ne pas m'y mettre réellement. La barbe!

29 avr. 2006

deux choses

1. Elle n'a pas tort, finalement, de se chercher un nom, de vouloir s'en approprier un. Un jour, on deviendra un autre parce qu'il n'est pas possible d'être celui que l'on ne reconnait pas, à travers celui que l'on nous approprie à tort, à notre encontre. Peut-être est-ce finalement ça, rentrer dans la clandestinité, dire: "ce nom, ce n'est pas le mien, et ça, je ne peux pas le faire sous mon nom; celui qui porte ce nom ne peut pas faire cela, il n'en est pas capable". Un exemple risible, mais symptômatique, révélateur de cette aspiration humaine se retrouve dans les comics: un jour, un journaliste, un fils à papa, décident de devenir un autre, non pas pour cacher leurs méfaits, leurs actions; ces actions, ils ne pourraient pas le faire sans ce pseudonyme, cet autre nom qui leur révèle comme un masque leur véritable puissance. Spiderman n'est qu'un pauvre minable, Batman n'est qu'un névrosé richard. Et William Falkner n'est qu'un ivrogne incapable d'écrire l'oeuvre de William Faulkner, et Pessoa avait dans son placard des costumes, des vies différentes qui lui ont donné une plume. Alors entrer dans la clandestinité et devenir un autre, parce que c'est dans ce territoire où les choses se passent -- où l'on doit se frotter; le travail n'est pas d'être là, avec ce nom de carte d'identité, lourd comme un repas de famille de fêtes de fin d'année, mais d'être en dessous, pleinement nous même, monstrueux et honnête.

Et puis plus tard, on redeviendra celui que l'on est, au pire, cela sera au-dessus de la date de naissance et de la date de décés, sur la tombe, un nom dans du marbre. "Il a écrit des livres et il est mort".

2. L'épreuve du divorce et la garde de l'enfant; aujourd'hui j'ai compris ce que j'éprouvais: la rage des pères auxquels on leur refuse de voir leur enfant. Tomber dans l'amertume après une injustice est un signe de faiblesse; c'est tout autant réconfortant que c'est lamentable. A l'heure actuelle, je pourrais en venir à la violence; mais j'apprendrai beaucoup plus en me concentrant sur la rage, et prendre cela non comme un affront mais comme une déclaration -- non pas spécifiquement contre la mère de notre "enfant" mais -- contre l'empire de la Dévoration -- et celle-ci n'est pas une singularité de l'esprit capitaliste, il existe partout, chez les cocos, les totos, les anars, les fachos, partout où l'être humain traîne les guêtres de l'arrogance colonialiste, impérialiste "qui n'assume rien". La violence ne serait donc pas la réponse et répondre par l'arrogance -- qu'il soit à travers le silence ou le déni -- n'est également pas une solution; on y perd notre dignité, la fierté d'être resté aussi longtemps debout; et cette réponse-là -- agir par la violence, la destruction arrogante -- est vaine parce qu'elle détruit cette impatience, ce frein rongé durant tout ce temps. La réponse à cette merde, c'est de ne surtout pas baisser la tête, que cela soit pour rentrer dans le tas où pour se lamenter du mal fait. Garder la tête haute; non, non pas garder la tête haute, parce que nous l'avons déjà haute tenue, visant au loin.

27 avr. 2006

de

1. L'inexistant. Alors on se met dans la position de celui qui n'existe pas, que l'on ne voit pas, ne veut pas, celui qui se réduit à un petit scrupule dans la tête de celui qui fige un instant son regard et tourne la tête, reclus dans son arrogance, continue son chemin, fait son film où il est acteur d'une histoire qu'il espère être le héros -- et celui qui reste là sourit, se repend, se tâte le corps, pourrait sombrer dans l'amertume.

2. Mais ne sombrera pas dans l'amertume; cela se fera avec la rage ou ne se fera pas. Dans le scrupule de celui qui a tourné la tête, poussent déjà les racines de la tragédie qui se jouera un jour.

3. Mais on sait où l'on est, maintenant. Dans quel secteur cela se passe. Et sachant dans quel secteur cela se passe, il n'est plus nécessaire d'y jeter le moindre regard, là où le repus de suffisance ne cesse névrotiquement, hystériquement de se chercher dans le regard de l'autre -- fût-il ignoré la plupart du temps. Dans son coin, l'inexistant avance, sans amertume, la rage marquant son allure.

25 avr. 2006

Privé

1. J'ai l'imagination fertile, celle qui pousse à se parer des habits du misérable, du méprisé.

2. Ce soir, reprise de Habib dans un aveuglement -- ne pas savoir ce qui s'écrit. Mais ça m'a l'air de sonner juste -- pour une fois.

3. Cette satanée époque qui n'en finit plus de ressembler à une vieille dame qui sur son lit de mort, ne cesserait de regarder dans un miroir, le regard qui traversera son visage à l'instant de sa mort -- saisir cet instant par goût du sinistre apitoiement. Ne pas participer à cette mascarade. Rien. Nada. Ne pas céder sur ça.

18 avr. 2006

Accorder

Relecture des premières pages de Habib; elles me sont aussi étrangères que si je n'en avais pas été l'auteur. Rien ne m'intéresse parce que je n'entends rien derrière, aucune voix, aucun souffle qui parle, seulement des mots qui s'alignent, racontent une histoire. Peut-être ne suis-je pas fait pour ce genre de récit -- dont je voudrais qu'il soit tragi-comique, subtile, où le héros serait à mourir de rire et d'une absurdité abyssale.

Et puis vient la réflexion suivante: peut-être que l'écrivain devient lorsqu'il n'est plus dans un souci d'écriture. Peut-être (ah ce fameux peut-être qui dynamite les doutes et assagit les certitudes) suis-je là en train d'écrire une histoire, et non de faire de l'écriture -- puisque tel est ce projet, qui est avant tout de raconter une histoire.

Rien n'est fini.

2 janv. 2006

rewind

A acheter (par ordre d'importance):
- une nouvelle paire de lunettes,
- des étagères,
- une carte-mémoire pro duo de 1Go,
- une guitare électro-acoustique,
- un concert de David S. Ware

En tête:
- Habib,
- La gourmette de l'homme-tronc,
- Matsakis