29 janv. 2009

La sélection du bureau, janvier 2009

La sélection du bureau, janvier 2009, plutôt pop, avec quelques envolées de Coleman (et surtout sa section rythmique) & du 8-bits.



A télécharger:
http://ventolin.free.fr/mp3/Janvier_2009.mp3


Liste d'écoute:

Hello Saferide - 2008
Chanson bateau mais la voix de la fille est très grave et l'année 2008 aura été si particulière -- une année porte d'embarquement -- et l'une des plus courte de ma vie puisqu'elle a commencé mi-mars et s'est achevée mi-septembre.

Goto 80 - Molndal By Night (but also by day)
8 bits forever.

YMCK - What A Man
8 bits forever.

John Lee Hooker - Crawlin' King Snake
Parce que le jeu de guitare est très simple et que le morceau finit vraiment salement pour du blues -- fade out. L'album était plus lourd en solos (soli?) moisis et clichés.

David - La mer
Beau moment. Où l'on pourrait croire que le type raconte n'importe quoi mais ce n'est pas qu'il raconte n'importe quoi, c'est ce qu'il raconte qui est n'importe quoi ("... full sound & fury meaning nothing").

The Good China - All Nothing
La belle chanson pop avec de la belle énergie de jeunes et de la belle innocence simple & c'est tant mieux en cette période de tempête rouge.

Magnus Moriarty - Wichita Mind Control
Un vieux fond/son sixties psyché du meilleur effet -- le dépitch!

Mgmt - Time To Pretend
Truc paraît-il très connu chez le branché. Efficace.

A. C. Newman - There Are Maybe 10 Or 12
Chanson simple sonnant sixties.

Pale Young Gentlemen - Kettle Drum
Chanson un poil plus orchestrée & plus épurée mais toujours très sixties.

Ornette Coleman - Chronology
Grand moment de section rythmique -- la trompette en solo laisse de l'espace pour la basse qui groove & la batterie mouline avec légèreté. Et Coleman sur son saxophone en plastique! (Avec Don Cherry, je crois.)

Deerhoof - Running Thoughts
Néo-psychédélique d'une belle liberté.

13th Floor Elevator - Roller Coaster
Du vieux psychédélique avec la "jarre électrique" qui fait la poule.

The Who - Pure & Easy
Parce que c'est une chanson tellement bien qu'ils ne l'ont pas mise sur l'album. Et puis Keith Moon à la batterie.

? - At The Debutantes' Ball
Trouvé sur un cédé à la médiathèque, compilation de EPs psychédéliques sixties improbables.

M.I.A. - Paper Plane
So bitchy.

Heidi Happy - Fool
So happy.

Ornette Coleman Quartet - T. & T.
Primal! Ratapoum! (Liebezeit peut s'accrocher.)

23 janv. 2009

les livres qu'on trouve dans les poubelles

1. Pas exactement une poubelle mais presque: trouvés à 1€ pièce moisissant sur une bâche, sept livres de belle littérature, dont la plus belle pièce pour petit collectionneur est Bras cassé de Michaux, collection Fata Morgana, non coupé please. Parmi ces achats de bazar Le gauchisme de Park Avenue de Tom Wolfe, état assez lamentable; on y trouve des grosses traînées marronnâtres qui laissent imaginer que l'ancien propriétaire a entretenu des rapports contre nature avec ce livre, également des miettes coincées et du tabac à rouler. Le livre est bon, voire tombe à propos puisque l'un des grands thèmes que j'aime aborder avec moi-même quand je vais de l'arrêt de bus à mon travail tourne autour de la marge, de qu'est-ce qu'être dans la marge. Et ce bouquin nourrit mon idée qu'être dans la marge n'est pas une question de position mais de posture.

2. Tom Wolfe fait le tour des Etats-Unis, de l'Angleterre et ramène des portraits d'hommes qui marchent en biais, qui tournent en rond, inlassablement, creusant un sillon sans avoir une seule fois en tête l'idée que celui-ci pourrait un jour s'épuiser; il n'y a pas d'économie possible avec l'objet, pas de dépense qui compte, "on ne compte pas": les jeunes lads qui dépensent leur minable salaire chez des tailleurs et se retrouvent à Leicester Square tous les jours parce que c'est ça The Life, George Barris The King of the Kostumizers à la recherche de la ligne parfaite, le pilote de stock-car qui tourne en rond et vit dans un continuel dérapage contrôlé.

3. Dérapage contrôlé, parce qu'il ne s'agit pas de faire n'importe quoi. Etre en marge, c'est être en équilibre, ce n'est pas vivre dans la sclérose de la cave (L'homme du sous-sol), mais au grand air, si possible sur le palier de la porte.

4. La Grande Machine. Les marginaux de Wolfe vivent en marge non pas de la société puisqu'ils
sont tous intégrés socialement -- hormis les hippies & les surfeurs -- mais en marge de la récupération culturelle de masse. Le Grand Mal n'est pas le "système" contre lequel il est bon ton de se rebeller quand on est pseudo-punk-anar' de droite ou de gauche (le travail, la famille, l'argent, la propriété) mais la Grande Machine qui fige l'inventivité, amoindrit les énergies, dissout la singularité non pas en s'attaquant à elle (la singularité), mais en ramenant le monde à elle. "Je ne vais pas te tuer, je vais seulement te faire disparaître en produisant des équivalents à toi, qui seront si semblables que plus rien ne te permettra de te distinguer de la masse. Ainsi, j'aurai les mains propres de ta disparition et j'aurai tout obtenu de toi, cette inventivité qui te rendait si particulier et plait tant, cette figure que t'adoptait et te rendait tant hors du commun." La Grande Machine se dissimule certes dans le "système" mais n'est pas le "système", n'est pas l'emploi de bureau, n'est pas la famille; la Grande Machine existe aussi dans les squats les plus reculés des villes, dans les espaces prétendus les plus ouverts, partout elle broie, elle avale, rabotte, ingère et recrache.


(Two Lane Blacktop, Monte Hellman. Une illustration de la marge -- nos deux compères (the driver & the mechanic) conduisant une Chevy costumisée, à l'affût de courses clandestines -- en opposition à GTO, l'homme qui se confond nominalement au produit de la Grande Machine -- propriétaire d'une Pontiac GTO, voiture "costumisée industriellement", ie. la costumisation amateur avalée par la Grande Machine, et recrachée comme nec-plus-ultra de la rebellion.)

4b. La marge dans le "système": Bartleby, la figure de proue de ce peuple qui vit dissiminé dans la société, parmi les parias, dans les stries, coincés dans des positions d'équilibre qu'eux seuls peuvent tenir, et que le commun des mortels regarde avec perplexité sinon avec mépris. Au contraire, l'homme du sous-sol n'est pas en marge, il vit dans l'une des très réconfortante position que propose la Grande Machine, le nihiliste; il pourrait être en marge, tout en gardant sa vie telle qu'il la mène, mais pour cela, il devrait changer de posture, adopter une autre approche, marcher en biais, et non pas frontalement, et puis se trouver un dada sternien.

5. On revient toujours à ça: Un type qui a une crête verte est un rebelle, deux types qui ont des crêtes vertes sont des idiots.

6. Et aussi: "tout ce qui brille n'est pas forcément de la merde".

7. Et aussi l'oxymore intenable des promeneurs de mai: "Tous ensemble contre la pensée unique".

8. Mais: il point dans le regard de Tom Wolfe une crainte très européenne, antique, celle du déracinement -- être en marge ne signifie pas l'effacement de ce qui a existé auparavant, et on sent, dans son ton émerveillé par l'énergie de ces hommes comme un "deux secondes mon loulou, c'est bien beau tes histoires de stock-car, d'être en marge, de vivre pour toi et que t'emmerdes la Grande Machine, mais tout cela, ça mène où, en définitive". Et c'est précisément sur ce point que le bouquin Le gauchisme de Park Avenue prend une autre dimension.

9. (...)

16 janv. 2009

Et Dieu créa l'homme

Il me prit le bras et me dit: "Moi je vais te raconter comment Dieu a créé l'homme. Il a pris des os, Il les mis en place sur la table, les a fait tenir avec un peu de colle et Il a cassé les os les plus longs pour qu'ils puissent s'articuler et ensuite Il a pris un cœur qu'Il a mis sous la grille et dans le coeur Il a planté des tuyaux qu'Il a entouré tout autour des os, et Il a mis du produit dedans et ensuite Il a pris de la chair et Il a recouvert les os avec, et dans la boite crânienne Il a mis de la sauce blanche et après Il a mis l'homme au four et a laissé cuire pendant un certain temps et quand c'était chaud, Dieu a dit "Ok, ça sent bon", et Il a sorti l'homme du four et avec une fourchette, Il a fait des trous un peu partout et Il l'a mis sur le rebord de la fenêtre pour qu'il (l'homme) refroidisse un peu et pendant ce temps, Il a fait pareil avec la femme et quand il (l'homme) était assez refroidi, Il l'a mis sur la table de la cuisine et quand la femme était suffisamment cuite, Il l'a sorti du four et Il les a mis ensemble (l'homme et la femme) et Il a regardé si ça s'emboîtait bien et après la femme a sorti de son ventre des mini-hommes et des mini-femmes et Dieu a dit "Ok, ça marche" et après Il a envoyé un bon-à-tirer à l'usine pour lancer la production de masse -- oui, parce que l'homme a beau être une belle machine, c'est tout de même un produit de masse -- et après Dieu a inventé le code ADN, un code de référence unique pour que quand il y a un problème, on puisse renvoyer l'article à l'usine et détecter ainsi les séries défectueuses."

15 janv. 2009

Orwell et l'anti-Orwell

1. 1984, Orwell. Le livre est loin d'être bon, tant il se veut didactique -- la limite de ce livre est la limite de son propos lequel est néanmoins judicieux. Mais son pessimisme ne me convainc guère, tout comme celui que l'on retrouve dans un bon nombre d'œuvres d'anticipation.

2. L'étrange coïncidence des lectures parallèles: Zourabichvili dans son livre Le conservatisme paradoxal de Spinoza, à propos du Souverain despotique:
"Il (Spinoza) maintient non pas une lueur utopique dans le désastre, mais la confiance dans une aptitude infinie et infiniment subtile de la vie à se dérober à sa propre négation, capacité presque anonyme, impersonnelle, involontaire chez l'être terrorisé, de dévier jusque dans le consentement, d'être à la lettre incorrigible." (..., ici, Z. place une note de bas, réf. à un texte d'Etienne Balibar, Spinoza, l'anti-Orwell) "l'homme est cette nature complexe à la fois désespérément fragile et d'une résistance inespérée, dont le spectre du comportement politique va de la compulsion panique et suicidaire à remettre son sort entre les mains d'un homme providentiel, à l'attachement irréductible d'une liberté dont il n'a pourtant qu'une représentation illusoire".

3. Le traité théologico-politique & Le traité politique.

4. Rien.

5. Damiens: écrire des livres comme Chris Marker tourne des films.

10 janv. 2009

vendredi soir

1. Rien.

2. Rien.

3. Je ne suis pas une nécessité.

4. Rien.

5. Rien.

6. "Il en est de même, comprit-il, dans toutes les situations qui semblent héroïques ou tragiques. Sur le champ de bataille, dans la chambre de torture, dans un bateau qui sombre, les raisons pour lesquelles on se bat sont toujours oubliées, car le corps s'enfle jusqu'à emplir l'univers, et même quand on n'est pas paralysé par la frayeur, ou qu'on ne hurle pas de douleur, la vie est une lutte de tous les instants contre la faim, le froid ou l'insomnie, contre des aigreurs d'estomac ou contre un mal aux dents."
1984, Orwell.

7. Le stalker. "Qui se torture l'esprit pour sublimer sa conduite, s'écarte du monde et a des habitudes excentriques, se fait une haute opinion de lui-même et dénigre les autres, celui-là n'a que de l'orgueil. Il n'est qu'ermite des monts et des vallées, homme qui condamne le monde. Tel est l'idéal de ceux qui aspirent à se dessécher par ascèse et à se jeter dans le gouffre."
Tchouang-Tseu.

8. Rien.