27 janv. 2005

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1. Aller au cinéma est un bon prétexte pour ne pas y aller.

2a. Nous ne sommes pas sûrs, alors nous tordons nos bouches qui meurent sur un gêne.

2b. Les doigts serraient, en boule, en rang d'oignons. Il faisait chaud là-dessous, j'osais pas trop.

2c. Juste collée là sous le nez, prendre le bras comme une couverture.

3. Ai vomi toute la journée; non pas une petite fois, non, toute la journée, à chaque gorgée d'eau. Quand l'eau ne passe pas, ce n'est pas nécessaire d'essayer de faire passer autre chose, ça ne tiendra pas.

4a. Ai entendu une émission sur Pierre-Jean Jouve; à feuilleter.

4b. Ai croisé Max.; proposé de travailler à son journal, L'ingrat.

4c. Ai tout de même travaillé sur Les colonnes.

5. Ai retrouvé ce morceau de Codeine, qui commence par "When i see the sun".

6. Nous nous prenions les doigts, comme si nous ne dormions pas, où alors cela était écrit dans le rêve qu'il fallait le faire. C'était donc peut-être ça, la conspiration en chambre à coucher.

25 janv. 2005

1. Fait froid.

2. Rien.

42xxx

1. Robert Pete Williams. Notes. La figure du grand-père -- c'était un homme d'une cinquantaine d'années, qui avait fui tout ce dont il avait rêvé (tout ce dont il avait espéré un jour faire dans sa vie -- de faire de sa vie); il s'asseyait tous les jeudi à la même table du café de la gare, spasmodiant sur une guitare des choses crues, le visage grimé de suie. C'est là, que la jeune fille l'a rencontré. (Après il poursuit ses élucubrations dans la rue.)

2. Adieu, de Arnaud de Pallières.

3. POL, lettre n°42xxx.

4. Habib, Wonderwoman, les superhéros, la boue, le blues, le rap, Finkielkraut et sa critique du rap "des pauvres idiots qui ignorent tout de la poésie et qui dénature machin-chose". Et les bluesmen, ils faisaient de la poésie, peut-être ? Peut-être que nos chers vieux réactionnaires post-soixantuitards ont à redire des paroles minimales et mal fichues des bluesmen du delta ? Alors, qu'à mon humble avis, ils sont pliés à genoux devant ces enregistrements, y trouvant une poésie, une parole "vraie". Alors qu'ils auraient été à cette même époque, ils auraient tout autant vomi dessus qu'ils ne le font actuellement sur le rap. 60 ans après les premiers enregistrements blues, le jazz a été "un peu" reconnu par les institutions -- ne pas oublier qu'on balançait des boulons sur Albert Ayler. Vivement dans 40 ans, pour voir ce que le rap sera devenu -- et la littérature putassière y trouvera fort probablement un renouveau.

23 janv. 2005

dimanche

1. Vendredi avec E., Nico Icon, champagne, lire le journal de Kafka, ne pas faire d'efforts, promenade nocturne, un dernier pour la route.

2. Samedi; ai raté la séance du Procès. Goodfellas, La vie sexuelle des belges, Buckaroo Banzaï.

3. Dimanche, dormir, sortir acheter du pain, revenir, dormir, Mort sur le gril (surprenant film de Raimi, scénario des frères Coen, cartoonesque, drôle), dormir, manger des serpents en pate sucrée, réfléchir aux Colonnes.

20 janv. 2005

plan du 5 (v1) - L'idole.

1. Quelque chose en 5 mots. Le vernissage. Echapper au point de rupture (une nouvelle fois). L'une soulève l'autre entraîné dans la course par l'une. L'une se raccroche bien malgré elle, l'autre s'effondre mais ne peut chuter, bien malgré lui. L'histoire de deux trajets se dessine, une nuit comme un point de rencontre de deux trajets: l'un veut tomber mais ne le peut (soit pour raison de destin, ou par simple pose de désir de déchéance, bien plus que par volonté de déchéance; et puis peut-être que la volonté ne suffit pas pour ce genre de chose, peut-être qu'il y a quelque chose de sur-humain qui vous pousse à ne pas tomber; comme si au-delà de toute volonté de succomber, il y avait encore quelque chose qui vous empêchez de succomber réellement).

2. Je l'ai vue.

3. Quelque chose en 7 mots.

4. Comme un instant de grâce, quand le point de rupture est inévitable, quand tout est joué et l'on suit les règles comme l'on se lasse de jouer, c'est à dire avec désinvolture, sans intérêt. Tricher parce qu'il y a plus de plaisir à gagner en s'inventant ses propres règles qu'en suivant les règles prédéfinies.

5. Quelque chose en 3 mots. La perte. "Elle est morte. Je suis là". Le portrait de la morte -- et non de la mort en elle-même; juste le corps, et non la souffrance ni la douleur; juste le corps et rien d'autre, comme le dernier repli de l'avoir-été-vivant. L'essoufflement du coeur. Continuer ou s'absoudre. Faire des choix? Faire le point. N'être qu'un poseur ou un lâche, juste avoir échappé à cela, et même sans succès, rester là. Le héros découvre qu'il y avait en cette rencontre un désir de sa propre autodestruction -- mais qu'il ne pouvait affronter de face, c'est à dire seul; qu'il ne pouvait s'autodétruire qu'en présence d'une autre; d'où les rencontres des limites, toujours. Alors imaginer qu'elle s'est sacrifiée à sa place; mais cela n'est pas la solution; ça serait la solution d'une certaine beauté qu'elle n'aurait pas; les morts sont ce qu'ils sont, les rendre plus beaux qu'ils n'ont été, c'est les dénaturés, c'est les soustraire de ce qu'ils avaient-été. Non le sacrifice; peut-être la farce du grand Idiot; peut-être comme un goût amer de ne pas avoir eu le courage d'y avoir été tout seul -- dans cette autodestruction. Et puis le plaisir de ne pas y avoir été. Et enfin n'être que le croisement du présent et du passé, sans amertume, ni bonheur outrecuidant. Un brin de sagesse sans prétention. Juste fermer sa gueule. Et peindre comme les peintres des idoles au Moyen-Age. Peindre des idoles.

17 janv. 2005

1. Rien. L'ai encore vue (une autre, mais la même -- comme si celle-ci me poursuivait -- se formait au cours du temps, prenait corps, strate après strate; non pas une précisèment, mais celle-ci, l'étrange, la percussive, la liquoreuse, la fulgurante, la fugace).

2. Etre dans le bus, à la même heure que la semaine dernière, et traverser les ponts qui enjambent les voies rapides, survoler ces trajectoires parrallèles de lumières pointilleuses -- regarder les phares des voitures se confondre peu à peu au jour, gris bleu d'un brouillard griffé de rose, de magenta sale.

3. Avoir le corps plein et s'en échapper par instant; être au point de rupture avant le contact; deviner qu'en deça, il y a maintenant un corps en sommeil. Redevenir corps & muqueuses, veinules & peau, toucher & empreintes, points digitaux.

4. A la mesure de nos rencontres, il y a ce rôle que l'on entretient tout deux -- celle-ci & moi --, celui de ne pas être de la partie -- comme si par ce manquement à la société, il y aurait ici un point de contact possible, possible si celui-ci n'était pas le contact de deux absents de la partie; l'esprit de connivence et l'idée de la conspiration en chambre à coucher. Les absents se rencontrent par hasard.

5. Il s'arrache de la terre, portant sur lui cette carapace de boue sèche qui s'est formée sur son dos, et lourd il avance las pesamment, le regard alerte retourné sur le point jaune qui s'approche de lui.

12 janv. 2005

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1. Ecouter en boucle Work de Lou Reed/John Cale.

2. Quelques lignes en vrac; chercher des potentiels comme une suite d'accords sur laquelle il serait possible d'improviser aisément.

3. Etre dans une dynamique; être en mouvement; dans un transport -- et un jour, la surprise de se lire écrire "transport", dans le sens désuet du langage amoureux; quand l'art conceptuel sera fini, alors nous reviendrons au transport; mais celui-ci est déjà fini; ils sont déjà là, les fossoyeurs, et la faillite va être sévère Ouaip, idem -- et en plus (j’y reviens, c’est mon dada sternien), un peu plein les bottes de cet "art" qui repose sur un gif/flash empaqueté dans un paquet-cadeau de concept, lequel lui confère l’idéal pour prendre des galons dans les musées et les salons où se ruent les chroniqueurs d’art mondains -- ... et leurs mépris vis à vis du jeu vidéo, lequel serait selon eux "puéril", "débile", au scénario zéroballe. Pour faire une comparaison grossière, l’arrivée du train en gare de la Ciotat ou la sortie des usines Lumière sont loin d’être des films scénaristiquement énormes (un plan fixe, pittoresque). Et je trouve plutôt intéressant de mettre les deux phénomènes en parallèle : parce que même si le jeu vidéo peut paraître déjà évolué, il est loin de ce qu’il va devenir. Et ça fait 20 ans que l’on s’écrie "oh ! on dirait que c’est vrai !" -- et à chaque nouveau jeu, cette phrase devient de plus en plus intense, presque effrayante. Et puis il y a les jeux hors norme comme Rez qui collent la raclée à tous les gifs animateurs post-moderno-neto-contemporains, qui sont bien plus dans le concept de la survie artistique que dans l’idée de création. Tout ça manque réellement de fun -- et les e-artistes concept de faire des longs discours sur cette "chose" qui n’a pas de nom, sans réaliser qu’ils parlent comme à un enterrement
— ici, au pied de la tombe de l’art conceptuel du XXème, analysant cette "chose" comme d’autres l’on fait à propos de la pissotière, cherchant à la canaliser, la rabougrir dans des formats prédéfinis par l’art conceptuel du XXème
— ici, hagards et bavards comme des affamés découvrant des nouvelles parcelles où ils pourraient exceller, mettant des mots sur une chose qui ne fait que naître, et n’a pas besoin d’eux pour qu’elle grandisse.
Je me demandais l’autre soir, comment les hommes des cavernes nommaient les traits faits par Zwywz, et qui ressemblaient vaguement au gros mammouth qui a emporté sa femme et son fils.
Alors qu’est-ce qu’on a : des universitaires qui se tripotent le joystick sur des gifs animés, des gif-animateurs qui se plongent dans "e-art" comme d’autres se sont plongés dans la céramique, et on a des boîtes de jeux vidéos qui font des trucs débiles, et on a des boîtes de jeux vidéos qui font des trucs énormes, des jeux qui restent malgré tout chroniqués dans Joypad mag. Alors oui, c’est peut-être là que s’ouvre le champ d’une certaine liberté, loin des pseudo-visionnaires en flash-codeur avec l’assistant à partir du sample’z, là dans les friches de l’Art, des idiots qui s’amusent à faire des choses qui les étonnent, sans avoir en bouche le mot "concept". M’est avis, le XXIème, ça va être la raclée à l’art concept ----

4. Comme une étrange assurance -- étrange parce qu'elle est la photographie qui émerge du négatif; au milieu d'un environnement qui se délite -- la tentative de suicide de Y., le silence annonçant les très mauvaises nouvelles de A. (& quoi qu'il arrivera, cela sera toujours des mauvaises nouvelles), le néant des réponses des éditeurs -- alors juste rester là, et être vivant.

10 janv. 2005

1. Visite médicale du travail; rien.

2. Ravel, introduction & allegro pour harpe, flûte, clarinette & quatuor à cordes -- dans le bus, à travers les champs où s'érigent les tours de l'Aérospatiale -- où le soleil vient réfléchir -- au milieu des hangars, du béton craquelant; comme être sur un vaisseau, au milieu d'une mer d'eau chaude, la rêverie pour aventure, juvénile moussaillon, corvée de patate -- Achab! Achab! s'écria la vigie, elle est là -- le doigt pointé sur le point fixé du bout des yeux, elle est là! -- et les pommes de terre churent des mains du jeune moussaillon, courant dans le tremblement du bois piétinés par des dizaines d'hommes véloces -- certains étaient des anciens tueurs, des égorgeurs de vieilles dames, des bandits de campagne, des faux Robin des bois, des vrais tatoués balafrés jusqu'aux sourcils -- et tous couraient, poussaient le jeune moussaillon contre la coque en bois craquante sous la course de cette centaine de brutes épaisses, montés voir le point fixé par le bout des yeux de la vigie, l'horizon au loin, les yeux brouillés par le vent salé, les cheveux en frange. Ligne 64, Arènes-Colomiers.

3. Le type réveillé dans le bus, au terminus; la tête furieuse hirsute brouillée.

4. Ne pas garder l'idée d'écrire du premier mot au dernier mot, comme sur une ligne droite. Abandonner toute idée de facilité -- inventer ses recettes au fourneau même, et non pas les préparer à l'avance, bien assis à la table du salon, un calepin dans une main et les ingrédients dans l'autre.

7 janv. 2005

je t'ai vue (1)

1. (1). Et dans l’air, il y avait le parfum de fleurs froissées et du métal encore chaud, (alors je t’ai vue) à la lumière ocre susurrée par le crépuscule des derniers jours d’un hiver, au-dessus des gravats et dans la poussière soulevée par nos pas, par delà les champs d’honneur de nos barricades, quand sur nos visages il n’y avait plus que la fatigue de la fureur, la lassitude, le sommeil coulant le long de nos paupières (alors je t’ai vue) aux confins du silence de nos discussions, et nos poings qui ne se desserraient plus, et nos bras droits comme des branches de béton, alors nous marchâmes lentement jusqu’à ne plus avancer (alors je te vis sourire et le monde que tu portais en toi s’écroula ce jour-là, petite idiote mille fois haïe, mille fois raillée et oubliée aussitôt les mots lancés), alors je te vis sourire, là droite et sans mouvement (et le ciel était noir et bleu, rouge et violet), petite idiote comme je t’avais toujours connue, petite conne sans amour, découvrant là par le miracle du silence tout ce que tu avais toujours tu, et puis la tristesse, alors.

2. "Une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit & de fureur, qui ne veut rien dire" (Macbeth). Le crétin n'est pas un idiot, et s'il est capable de fureur et de rage, il n'agit pas par volonté de puissance, mais par volonté de pouvoir. L'idiot est excessif, le crétin est mesuré; c'est en cela qu'il est couard et qu'il éprouve rarement de la culpabilité. Parfois le crétin devient un idiot; mais il est toujours rattrapé par sa crétinerie, par ce, du moins c'est ainsi qu'il l'estime, qui fait de lui un être supérieur, du moins un être à part. Un crétin peut être un connard, mais un connard n'est pas forcément un crétin.

3. C'est l'histoire d'un crétin, pleine de bruit & de fureur, qui voudrait dire quelque chose. Un crétin devient un idiot, le temps d'une journée. Durant la matinée, il rencontre d'autres crétins; ils mourront comme ils sont, crétinement, sous la volonté de pouvoir d'un crétin. Devenu idiot -- sombrement humain, réalisant la fureur et sous l'emprise du bruit qu'il a répandu autour de lui et dans sa vie --, il divague, seul sur un bout de terre, coupé du monde, entre volonté de puissance et impuissance face à ce monde qu'il a bousculé. Il aurait pu s'en tenir là, si le crétin qui sommeillait en lui ne s'était réveillé, avait repris du poil de la bête. L'histoire idiote d'un crétin.