29 avr. 2006

deux choses

1. Elle n'a pas tort, finalement, de se chercher un nom, de vouloir s'en approprier un. Un jour, on deviendra un autre parce qu'il n'est pas possible d'être celui que l'on ne reconnait pas, à travers celui que l'on nous approprie à tort, à notre encontre. Peut-être est-ce finalement ça, rentrer dans la clandestinité, dire: "ce nom, ce n'est pas le mien, et ça, je ne peux pas le faire sous mon nom; celui qui porte ce nom ne peut pas faire cela, il n'en est pas capable". Un exemple risible, mais symptômatique, révélateur de cette aspiration humaine se retrouve dans les comics: un jour, un journaliste, un fils à papa, décident de devenir un autre, non pas pour cacher leurs méfaits, leurs actions; ces actions, ils ne pourraient pas le faire sans ce pseudonyme, cet autre nom qui leur révèle comme un masque leur véritable puissance. Spiderman n'est qu'un pauvre minable, Batman n'est qu'un névrosé richard. Et William Falkner n'est qu'un ivrogne incapable d'écrire l'oeuvre de William Faulkner, et Pessoa avait dans son placard des costumes, des vies différentes qui lui ont donné une plume. Alors entrer dans la clandestinité et devenir un autre, parce que c'est dans ce territoire où les choses se passent -- où l'on doit se frotter; le travail n'est pas d'être là, avec ce nom de carte d'identité, lourd comme un repas de famille de fêtes de fin d'année, mais d'être en dessous, pleinement nous même, monstrueux et honnête.

Et puis plus tard, on redeviendra celui que l'on est, au pire, cela sera au-dessus de la date de naissance et de la date de décés, sur la tombe, un nom dans du marbre. "Il a écrit des livres et il est mort".

2. L'épreuve du divorce et la garde de l'enfant; aujourd'hui j'ai compris ce que j'éprouvais: la rage des pères auxquels on leur refuse de voir leur enfant. Tomber dans l'amertume après une injustice est un signe de faiblesse; c'est tout autant réconfortant que c'est lamentable. A l'heure actuelle, je pourrais en venir à la violence; mais j'apprendrai beaucoup plus en me concentrant sur la rage, et prendre cela non comme un affront mais comme une déclaration -- non pas spécifiquement contre la mère de notre "enfant" mais -- contre l'empire de la Dévoration -- et celle-ci n'est pas une singularité de l'esprit capitaliste, il existe partout, chez les cocos, les totos, les anars, les fachos, partout où l'être humain traîne les guêtres de l'arrogance colonialiste, impérialiste "qui n'assume rien". La violence ne serait donc pas la réponse et répondre par l'arrogance -- qu'il soit à travers le silence ou le déni -- n'est également pas une solution; on y perd notre dignité, la fierté d'être resté aussi longtemps debout; et cette réponse-là -- agir par la violence, la destruction arrogante -- est vaine parce qu'elle détruit cette impatience, ce frein rongé durant tout ce temps. La réponse à cette merde, c'est de ne surtout pas baisser la tête, que cela soit pour rentrer dans le tas où pour se lamenter du mal fait. Garder la tête haute; non, non pas garder la tête haute, parce que nous l'avons déjà haute tenue, visant au loin.

27 avr. 2006

de

1. L'inexistant. Alors on se met dans la position de celui qui n'existe pas, que l'on ne voit pas, ne veut pas, celui qui se réduit à un petit scrupule dans la tête de celui qui fige un instant son regard et tourne la tête, reclus dans son arrogance, continue son chemin, fait son film où il est acteur d'une histoire qu'il espère être le héros -- et celui qui reste là sourit, se repend, se tâte le corps, pourrait sombrer dans l'amertume.

2. Mais ne sombrera pas dans l'amertume; cela se fera avec la rage ou ne se fera pas. Dans le scrupule de celui qui a tourné la tête, poussent déjà les racines de la tragédie qui se jouera un jour.

3. Mais on sait où l'on est, maintenant. Dans quel secteur cela se passe. Et sachant dans quel secteur cela se passe, il n'est plus nécessaire d'y jeter le moindre regard, là où le repus de suffisance ne cesse névrotiquement, hystériquement de se chercher dans le regard de l'autre -- fût-il ignoré la plupart du temps. Dans son coin, l'inexistant avance, sans amertume, la rage marquant son allure.

25 avr. 2006

Privé

1. J'ai l'imagination fertile, celle qui pousse à se parer des habits du misérable, du méprisé.

2. Ce soir, reprise de Habib dans un aveuglement -- ne pas savoir ce qui s'écrit. Mais ça m'a l'air de sonner juste -- pour une fois.

3. Cette satanée époque qui n'en finit plus de ressembler à une vieille dame qui sur son lit de mort, ne cesserait de regarder dans un miroir, le regard qui traversera son visage à l'instant de sa mort -- saisir cet instant par goût du sinistre apitoiement. Ne pas participer à cette mascarade. Rien. Nada. Ne pas céder sur ça.

18 avr. 2006

Accorder

Relecture des premières pages de Habib; elles me sont aussi étrangères que si je n'en avais pas été l'auteur. Rien ne m'intéresse parce que je n'entends rien derrière, aucune voix, aucun souffle qui parle, seulement des mots qui s'alignent, racontent une histoire. Peut-être ne suis-je pas fait pour ce genre de récit -- dont je voudrais qu'il soit tragi-comique, subtile, où le héros serait à mourir de rire et d'une absurdité abyssale.

Et puis vient la réflexion suivante: peut-être que l'écrivain devient lorsqu'il n'est plus dans un souci d'écriture. Peut-être (ah ce fameux peut-être qui dynamite les doutes et assagit les certitudes) suis-je là en train d'écrire une histoire, et non de faire de l'écriture -- puisque tel est ce projet, qui est avant tout de raconter une histoire.

Rien n'est fini.