22 mai 2008

Nx

1. De la fatigue, du bruit, de la course -- de la course du temps et de ma course dans les couloirs où foncent sur moi les gens qui sortent -- j'esquisse un pas, je les évite, laissant derrière moi une traîne de lumière en suspens quelques secondes et qui disparaît comme j'ai déjà disparu dans l'escalator. La lumière jaune écrase les visages des passagers, tire leurs traits jusqu'au sol et dans lesquels ils se prennent les pieds -- l'un tombe, le suivant le suit, le suivant du suivant le suit à l'identique au sol, nous tombons les uns après les autres dans un flot de râles, de bave -- les gueules déchirées.

2. Marcher toujours sur le même terrain vague comme s'il s'agissait de notre tombe que nous foulerions, pour bien tasser la terre qui la recouvre -- nous serions les fantômes aux chaussures lourdes, délaissés de la Cité, errants sans direction, entrant dans les appartements, et assis là dans un coin, nous regarderions vivre celles & ceux qui nous ont laissés partir -- sur les terrains vagues comme poussent des coquelicots dans les ornières, nous errerions d'immeuble en immeuble, pissant debout contre les murs, crachant sur ta gueule.

19 mai 2008

Transfiguration du centre commercial

1. Le centre commercial de Bergen, dans le New Jersey, abrite une église dans laquelle les clients peuvent s'y recueillir, entre deux achats.

2. Le récit circulaire: ne pas aller d'un point A à un point B, mais aller d'un point A à un point B pour en venir à un point A', point A transfiguré; le cycle se forme (apparaît) en raison de la transfiguration des éléments au point A (centre commercial, H, ville, etc.)

3. Le métro tombe en panne et puis repart. Une fois dehors, à une dame "c'est le genre de journées à la fin de laquelle vous êtes content d'avoir une assurance"; la dame regarde d'un oeil suspicieux.

4. Le lancement d'une nouvelle barre chocolatée pour le petit-déjeuner -- en présence d'une mascotte.

5. La transfiguration du centre commercial en corps vivant, chiant, suintant, pleurant.

18 mai 2008

dénuder les fils

1. Fantaisie militaire. Albert Ayler s'est finalement suicidé.

2. H: passer par le devenir-femme pour redevenir-homme. H se transforme en femme pour devenir un homme -- et se révéler pleinement dans la colère qui va le conduire au passage à l'acte. C'est en tant que femme qu'il va se révéler humain (Homme? homme?)

(Professeur Schreber)

3. Où Comment dans South Park, professeur Garrison s'affirme gay, devient par transformation Madame Garrison, jolie femme hétérosexuelle qui redevient gay-lesbienne. Pas seulement une bonne blague; un juste retour des choses.

4. Revenir à soi, c'est revenir aussi à l'habitude -- jeu d'actes répétés à l'identique qui ne lassent pas. Où comment on peut se coltiner tous les matins la même ration de biscottes, le même bol de nescafé au lait concentré sucré, ceci pendant 40 ans jusqu'à mort s'en suive -- une vie consacrée à la chicorée Leroux, à la Marlboro, aux bâtons d'encens après la cuisine, à la tisane, un corps entièrement lavé au savon de Marseille de la naissance à la disparition, jusqu'à usure de l'épiderme -- jamais on ne se lasse de toute cette consommation habituelle de produits de consommation habituelle et qui est à 90% (stat' molle) le contenu des grandes surfaces.

4b. Se définir par les habitudes les plus invisibles -- en dresser la liste.

[ ] Journée en mousse / [ ] Journée en carton

1. Se tourner dans tous les sens -- ne rien dire & entendre l'autre qui parle tout seul /s'il n'y a pas de solution.../ -- ouvrir les yeux et se retordre encore en fil de fer -- rouvrir encore les yeux (on ne sait plus quelle heure il est, c'est l'heure où tout commence à couler de partout et on n'a pas assez de mains ni de courage pour tout rattraper, ça coule sur les épaules, la gueule, le corps, ça déborde de toute part), ça vient et on le prend comme tel -- des vérités qui s'énoncent (être une merde, tout est vain et tout ce qui a été dit est inutile, tout ce qui a été fait ne valait rien (et on énonce le je) et je ne suis rien, je suis celui qui prétend, qui prétend rien, qui ne sert à rien, ne *te* sert à rien, n'a rien fait, ne fait rien de lui ni des autres, ne bouge pas, se pose dans le ridicule -- et toi qui apparais alors dans le champ des autres, où les nuances entre les personnes n'existent plus, le monde se répartissant en deux groupes distincts, eux (vous) et moi

(et on sait que cela ne va pas durer parce que derrière les oreilles, il y a un système de sécurité qui va reprendre la main, qui va relativiser la situation mais là, à l'heure qui ne figure pas sur la montre, on dégueule, on continue les yeux ouverts, on ne se donne plus de limite)

(on se dit) tout cela n'est rien, ne vaut rien, ce sont les autres qui ont raison -- les vautours, les parasites qui dévorent les humains et les lombrics qui bouffent les cadavres -- on se dresse: tenir droit, tenir ferme, dans la patience -- et ils se précipitent et ils ingurgitent et on reste témoin de nos infimes désastres, impuissants. La rage sourde se terre

(on se dit) qu'on ne figure sur aucune carte, que nous ne sommes ni des montagnes ni des mers, ni des rivières et ni des plaines, ni des villes et ni la maison où l'on a grandi et encore moins le lit dans lequel on va mourir un jour, nous sommes des roues voilées qui allons sur ces cartes, dans ces lits, dans ces maisons -- loin du monde où les autres figurent, et auxquels on ne peut pas parler, parce que notre corps s'arrête là. Alors nous allons, sur nos territoires en nous forgeant un destin -- rationalisant là nos idées, moulant une histoire que l'on parcourt avec une délectation morbide

(on se dit) on périme. Alors toi qui apparais dans le champ des autres, tu te recroquevilles à nouveau /s'il n'y a pas de solution.../ tu disais, et je me retourne encore une fois.

(on se dit) tout est vain et ils ont raison. Tu es un imposteur.

(on déroule le bras, on referme les yeux, on place la jambe gauche sous la jambe droite) on ne se dit plus rien.

2. La logorrhée.

3. [ ] journée en mousse / [ ] journée en carton

4. Comme un mur qui rencontre la tête.

13 mai 2008

Naissance du boxeur

0. Un boxeur qui ne sait pas danser est un boxeur condamné à finir à terre.

1. Ses bras se contractent autour de son visage -- avec ses poings, il arrête les attaques de son adversaire, mais parfois un coup franchit la barrière -- il saigne à l'arcade, il s'essouffle, reprend sa respiration tout en resserrant l'étau autour de son visage -- ses yeux se plissent et il tend le poing gauche qui bute sur les avant-bras de l'autre -- il frappe & encore il bute & il frappe et ses jambes sautillent -- il tourne autour comme l'on danse autour d'un feu -- il garde ses distances et la distance qui le sépare a la longueur de son bras (ne pas trop s'approcher, ne pas en être trop loin, garder la mesure en dansant autour -- un compas qui tourne et trace des cercles, garde ta gauche, garde ta gauche, frappe, et garde ta gauche -- dans les cordes, il le pousse et l'autre vacille, il lit sur ses lèvres qu'il va le tuer, qu'il va l'écraser -- maintenant il s'approche encore plus et la distance qui les sépare est si faible qu'il sent son souffle sur son visage -- tue-le, tue-le -- il est à découvert mais n'a pas le choix, il bourre le visage sur lequel ses poings rebondissent, sur son ventre contre lequel ils s'écrasent -- l'autre s'accroche, mais l'arbitre les sépare (il y a toujours une bonne âme pour séparer deux ennemis, non pas pour que le combat cesse mais pour que les deux parties puissent se voir à nouveau, se regarder droit dans les yeux et s'abattre l'un sur l'autre dans la plus totale des raisons).

2. Il faudra revenir sur cette histoire, ne pas l'oublier -- ne pas l'oublier, c'est m'en souvenir chaque fois que des éléments identiques se mettront en place afin d'acquérir des réflexes de survie (une part de l'instinct est paralysée) -- garde ta gauche, garde ta gauche, frappe & frappe.

3. La conspiration ne se prépare pas au fond d'une cave mais en place publique.

4. La nausée, Sartre.

5. La psychothérapie de groupe consiste en un dortoir rempli de divans disposés en soleil autour d'un fauteuil; les patients s'allongent, tête vers le thérapeute assis au centre du cercle, et parlent tous ensemble (ou non) -- sur son carnet, le thérapeute note la mésentente.

11 mai 2008

Trouver l'animal

Le cheval? La vache? La poule, l'oie, le cochon? La girafe...? ... le crocodile...? Mmh... plutôt un volatile, une bête qui peut disparaître dès que le danger arrive -- pas obligatoirement un oiseau rapide, plutôt même un oiseau bien lourd, un bien qui-sait-pas-trop-volé. Exit donc le pigeon (quoique), exit la colombe (non). Alors?, le serin?, le pinson, le rouge-gorge, l'hirondelle? Mmh,... le coq, la poule -- tiens, intéressant, bien qu'elle ne vole pas vraiment et que ses horaires ne correspondent pas avec l'individu. Exit donc la poule, au regret. Et puis son plumage n'est pas des plus rutilant. On gardera tout de même l'aiguisé du bec et la rapidité à l'attaque fourbe. Mais l'animal doit être beau, attirant. Des couleurs vives, des longues plumes. Et un quelque chose d'intelligent bien que pas vraiment capable. Un truc lourd, avec des couleurs, un semblant d'intelligence, qui sache voler mais plutôt pataud. Mais oui! C'est le perroquet!