19 avr. 2009

Eric et Henri

T'es mort. Voilà, les choses sont faites. D'un point à l'autre: entre Séb et toi, un hiver a passé. D'un côté, une grande fête pleine de vie, de rires, de pleurs, Seb sur son surf qui récite la lettre de Guy Moquet et de l'autre, l'anonymat, le secret. Eric, tu es mort il y a trois semaines, et personne ne semblait être au courant.

Ta mère, la psy, t'avais placé en hopital psychiatrique. Tu es mort là-dedans, paraît-il. Je me souviens des tableaux que tu avais offert à E. Je me souviens aussi de cette soirée où tu m'as dit qu'on devrait faire de la musique ensemble, que tu apprenais la clarinette. Tu avais le regard vide de Syd Barrett. Toi aussi, t'avais forcé sur la dose. La micropointe t'avait dévoré le cerveau. Mais on dit que t'avais déjà des problèmes avant. Que cela n'avait fait qu'empirer les choses. On donne toujours des raisons pour excuser nos manquements. On t'a laissé filer, c'était comme joué d'avance. T'étais revenu de Amsterdam détruit. Les autres t'avaient abandonné. Tu errais dans la ville, on se croisait. On discutait un peu. Tu fais quoi, tu deviens quoi. Moi dans ma névrose, ma solitude, toi dans ton monde que tu regardais les yeux vides et tristes. Stéphane t'accueillait de temps en temps, quand tu avais des permissions de sortie. E. & B. allaient te voir, là-bas. C'était les seuls. Ils allaient à Albi te voir, les dimanches. J'avais eu l'occasion de les suivre, mais je m'étais défaussé au dernier moment. Je suis aussi un petit homme.

L'annonce de ta mort scelle, par un curieux hasard, la fin de ma lecture de Acid Test, qui parle de trips sous LSD. Tu arrives là, après 6 mois d'un long tunnel que j'ai creusé pour m'éloigner du dècés de Séb. Tu boucles la boucle.

Depuis quelques jours, je lis un peu partout la disparition de Henri Meschonnic. Un nom que je ne connais pas. Tu ne devineras jamais, Eric, ce qui vient de se passer. Dans le tas de livres qu'il y a au pied de mon matelas, j'ai trouvé un bouquin de Henri Meschonnic. Ca s'appelle Nous le passage, c'est de la poésie. C'est ma soeur qui me l'avait donné avec toute sa bibliothèque, quand elle faisait sa crise mystique. Ce sont des courts poèmes. Comme il fait beau, je vais aller lire ce livre sur un banc.

Je t'embrasse Eric.

(Cassavetes & Falk dans Mikey and Nicky, Elaine May)