4 mai 2009

Le nez, les yeux et ton front qui se plisse

2. C'est comme l'histoire de ce type qui découvrit un jour qu'il s'ennuyait; avant ce jour-là, il avait le sentiment d'avoir toujours quelque chose à faire; et puis vint cette journée du 20 avril 2007; il avait fini son yaourt, une molle paresse s'était emparée de lui, il alla boire un café. A la terrasse, fixé sur sa chaise, il regardait les filles passer. Il se retourna vers l'intérieur pour jeter un œil sur la pendule du café. D'autres filles passèrent; il se retourna encore vers la pendule -- l'aiguille avait bougé mais bien moins que le nombre de filles, de cuisses, de culs qu'il avait pu mater, l'air de rien --; en revenant à la rue, il croisa son reflet dans la porte du café et il ne se reconnut pas: il avait un trait à la place des yeux et un bec à la place de la bouche, "bordel! je ressemble à Trondheim", s'écria-t-il. Il décida de s'intéresser à la musique. Comme il ne connaissait aucun artiste et n'écoutait jamais la radio, il commença par la lettre A. Aujourd'hui, il est à ABBA, et demain, il va mourir.

3. En écartant le rideau, elle libéra une guêpe prisonnière qui, apeurée, traversa la pièce et disparut dans l'obscurité du couloir. Elle la suivit du regard, espérant qu'elle ne vienne pas à voleter près du canapé en cuir – ce canapé où les stations y sont longues, où l'imagination se perd dans la mémoire, jusqu'à ce que la mémoire devienne elle-même l'imagination d'un temps qui n'a pas eu lieu – ai-je été là, l'ai-je rêvé, suis-je encore là, fallait-il que je sois là ? L'insecte disparut dans l'ombre d'un couloir, elle se retourna sur la rue, regarda par la fenêtre, le voisin avait déjà disparu, l'après-midi était du printemps, l'heure était à la poussière.