1. (1). Et dans l’air, il y avait le parfum de fleurs froissées et du métal encore chaud, (alors je t’ai vue) à la lumière ocre susurrée par le crépuscule des derniers jours d’un hiver, au-dessus des gravats et dans la poussière soulevée par nos pas, par delà les champs d’honneur de nos barricades, quand sur nos visages il n’y avait plus que la fatigue de la fureur, la lassitude, le sommeil coulant le long de nos paupières (alors je t’ai vue) aux confins du silence de nos discussions, et nos poings qui ne se desserraient plus, et nos bras droits comme des branches de béton, alors nous marchâmes lentement jusqu’à ne plus avancer (alors je te vis sourire et le monde que tu portais en toi s’écroula ce jour-là, petite idiote mille fois haïe, mille fois raillée et oubliée aussitôt les mots lancés), alors je te vis sourire, là droite et sans mouvement (et le ciel était noir et bleu, rouge et violet), petite idiote comme je t’avais toujours connue, petite conne sans amour, découvrant là par le miracle du silence tout ce que tu avais toujours tu, et puis la tristesse, alors.
2. "Une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit & de fureur, qui ne veut rien dire" (Macbeth). Le crétin n'est pas un idiot, et s'il est capable de fureur et de rage, il n'agit pas par volonté de puissance, mais par volonté de pouvoir. L'idiot est excessif, le crétin est mesuré; c'est en cela qu'il est couard et qu'il éprouve rarement de la culpabilité. Parfois le crétin devient un idiot; mais il est toujours rattrapé par sa crétinerie, par ce, du moins c'est ainsi qu'il l'estime, qui fait de lui un être supérieur, du moins un être à part. Un crétin peut être un connard, mais un connard n'est pas forcément un crétin.
3. C'est l'histoire d'un crétin, pleine de bruit & de fureur, qui voudrait dire quelque chose. Un crétin devient un idiot, le temps d'une journée. Durant la matinée, il rencontre d'autres crétins; ils mourront comme ils sont, crétinement, sous la volonté de pouvoir d'un crétin. Devenu idiot -- sombrement humain, réalisant la fureur et sous l'emprise du bruit qu'il a répandu autour de lui et dans sa vie --, il divague, seul sur un bout de terre, coupé du monde, entre volonté de puissance et impuissance face à ce monde qu'il a bousculé. Il aurait pu s'en tenir là, si le crétin qui sommeillait en lui ne s'était réveillé, avait repris du poil de la bête. L'histoire idiote d'un crétin.
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