27 sept. 2008

comme

1. En réalité, c’est une question d’intensité, de distance entre deux points. Toi tu fais des choses en pensant au temps bien-après alors que ces choses là s’inscrivent dans le maintenant.

2. Cette nuit, j’ai rêvé que j’étais à khâgne, ENS ou un truc comme ça; c’était le premier devoir surveillé de l’année; des documents étaient donnés aux élèves et il fallait écrire quelque chose à partir de ça – il s’agissait d’articles de presse qui parlaient grosso modo de Londres. Mon voisin de table était un ancien camarade de lycée (Pierre jesaisplus)– l’idée même du petit bourgeois des petites villes de province que j’avais connu durant mes études – petit pull en laine, chemise vichy, etc. Très inspiré, il remplissait feuille sur feuille, écrivant au crayon à papier alors que je peinais à comprendre ce qui était demandé, doutant de la qualité de mon écriture – petite et serrée, encre noire donc ineffaçable, à l’inverse de la mine en papier. Son air assuré me déstabilisait et les heures passaient, tétanisé. Puis un correcteur dit: “vous savez, dans ce genre d’épreuves, le plus important n’est pas le contenu, mais le style, la façon d’écrire. Après, à la fin de votre cursus, à l’examen final, évidemment que l’on tiendra compte du contenu, mais dans ce cas-là, …” Ces propos m’achevèrent.

Pour moi, c’est un nœud inextricable. Un jour, cette phrase a été dite et le trouble dans lequel elle m’avait jeté à l’époque se représente à moi maintenant.

En premier lieu, on impose un sujet, donc on demande un engagement sur le fond. Mais en réalité, ce n’est pas important, l’essentiel est la forme. Alors pourquoi donner ces documents s’ils ne sont pas importants. Comment voulez-vous que j’écrive quelque chose de bien si le sujet n’est pas important – parce que s’il n’est pas important, j’ai le pouvoir de faire n’importe quoi mais ce n’importe quoi, vous n’allez pas l’accepter parce que ça sera effectivement n’importe quoi. En définitive, cette phrase “ce n’est pas important” est une saloperie de règle castratrice – ce que tu fais, ce n’est pas important, mais ça ne veut pas dire que ce que tu vas faire devra être n’importe quoi – ne devra pas être le produit de quelque chose de très intime (lâcher-prise, caca, cri primal, improvisation – même autour du sujet imposé) – juste des sottises très petite-bourgeoises qui seront sans importance et dont le traitement, la manière de procédé sera jugée avant tout. Après, on verra de quoi tu es capable (ie. “ce que t’as dans le ventre” – pour filer très adéquatement l’idée du caca-création).

Evidemment, j’écris avec une encre qui ne s’efface pas. Lui peut effacer, c’est même ce qui fait sa force, au regard du correcteur. Les deux sont de connivence, chacun dans leur rôle alors que ma place est déjà en-dehors du jeu parce que les règles sont faussées -- “on te juge, mais pas sur …”

(…)

Le plus incroyable, c’est de me rendre compte à l’instant même de la résistance que je produis pour ne pas “voir” que le problème n’est pas cette histoire de règles mais du jeu de rôle de la scène (l’élève, le maître et moi); cette idée de relativité entre deux points, la distance entre deux points. Mon petit laïus de la victime qui pendait à mes lèvres m’écœure finalement. Il y a une sortie (et pas “de secours”, comme je l’avais écrit et que je corrige fissa) à ce genre de système – non pas en refusant ou en détournant le système des règles “ce n’est pas important, fais ce que l’on te demande ou non”, mais en reconsidérant les rôles et en trouvant une posture – et surtout pas celle de l’impuissance, celle de la victime.

3. (…)

4. Elephant, Alan Clarke.

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