1. Quelques mots de
Méridien de sang de Cormac McCarthy. Tout comme pour
La Route, on m'en avait fait les plus grandes louanges, et évidemment j'ai été déçu, sans pour autant que les deux ouvrages soient décevants. Donc
Méridien de sang. S'il faut faire la critique de ce livre, autant commencer par faire la critique de la critique. Non, le juge n'est pas Achab ni Kuntz, comme j'ai pu le lire. Achab poursuit un destin, Kuntz est dans une volonté de puissance, le juge ne poursuit rien et ne se délire pas en Dieu-tout-Puissant -- et ce bouquin, ne parle pas de Bien et de Mal. Les ennemis ne sont pas les indiens, les espagnols, l'armée, l'ennemi est celui qui vous mène à la chute. Et ceux qui restent en vie à la fin du bouquin, sont ceux qui collent au plus près de la Nature, détachés de toute considération de Bien & et de Mal.
Le gosse ne tue pas le juge, et c'est en cela que le juge le reconnaît comme son fils, son héritier, la filiation ne tenant pas ici au partage de valeurs identiques mais à attitude identique, à une posture commune. On peut avoir en tête une scène clef du genre "western" où le cowboy demande à son jeune protégé de le tuer parce que selon l'"ordre du monde" il a commis une faute punie par la mort, et le protégé le tue et devient un homme, en dépit de la disparition de son symbolique père. Cette vision totalement manichéenne est celle du prêtre (chapitre de la poursuite du juge par le gosse), mais non celle du gosse qui n'a aucune raison de le faire puisque le juge ne l'a jusqu'alors jamais entraîné dans une quelconque chute. Et c'est lorsque le juge enferme le gosse que celui-ci finit son rite initiatique et s'affranchit du juge. L'enfant ne devient pas un homme en quittant son père mais lorsque le père cesse de le reconnaître comme un enfant. Et le gosse devient un juge, à sa façon, à sa
manière. Il cesse de errer en apprenant le monde -- et celui-ci cesse d'être un désert dans lequel, durant 300 pages, les protagonistes se sont perdus, allant au hasard complètement hirsutes, ne voyant en lui que l'incarnation de l'Enfer, enfermés dans leur conception binaire du monde -- alors que le juge, en l'adoptant, en l'apprenant, en l'écrivant dans son carnet y voit autre chose. Le gosse, lui, ne voit rien, replié dans en cocon en formation duquel il en sortira pour prendre toute la mesure du monde (un peu comme moi, qui forge une autre idée du livre en écrivant ici cette notule et le découvre bien intéressant
à posteriori qu'à sa lecture.)
2. Comme je n'ai pas le bouquin à mes côtés, je ne peux pas continuer à développer. Mais les grosses lignes de ma lecture sont là. En gros, voilà:
Méridien de sang n'est pas un livre de cowboys mais plutôt un livre de shaolins, à l'époque de Lao-Tseu.
(Warren Oates, dirigé par Sam Peckinpah dans
The Wild Bunch.)