29 sept. 2009

Je ne veux pas devenir une table

1. Toujours tenté par quelque chose de très noire, très noire-noire. Ah la belle aventure, l'effroyable beauté noire du monde obscur qui sombre dans les plus profonds abîmes. T'en oublierais presque que tout cela est une farce, une bien belle farce. La parfaite oscillation du monde. Le monde est une danseuse.
"Je veux devenir une table, je veux devenir une table", criait-il en tapant dans la balle de ping-pong.
2. Il n'y a pas grand monde à sauver dans toute cette histoire. Peut-être l'oncle (le parrain), la fille, et tout le reste, c'est que dalle, pas tripette. Le plus dur, ce n'est pas pour ceux qui restent, c'est pour ceux qui partent.

3. Revenir à la joie, à la belle humeur, à tout ce qui rend le corps plus léger & le pied agile. http://bastardisaddic6.blogspot.com/2008/06/4.html

24 sept. 2009

Quelques heures sous les sunlights

Improvisation marmonnée enregistrée sur Elle a passé tant d'heures sous les sunlights de Philippe Garrel. Par un heureux hasard, la séquence était muette. La première salve de marmonnements n'est pas dans la tonalité recherchée.




21 sept. 2009

Face A/Face B

1. En dépit de nos différences, nous nous remplissions l'un l'autre d'une confiance qui n'avait pas de limite -- l'un l'autre, durant ces longues heures où nous nous enivrions, nous revisitions ces territoires que nous avions découverts seul -- alors seul, emporté par la puissance des rêves et le doux confinement d'une solitude joyeuse, chacun mesurait la grandeur de ses possibilités, l'envergure de ses membres et la longueur de ses foulées -- et mis ensemble, grâce à l'alcool et certainement à l'amour, nous nous glorifions au-delà de toute raison durant des heures, jusqu'au matin où nous nous endormions sans prendre la peine de nous dévêtir. Nos réveils avaient l'âcre saveur du tabac froid et l'acidité des mauvais vins. Plusieurs heures après, nous marmonnions, incompréhensibles, la bouche pâteuse et la gorge sèche. Et avant la tombée de la nuit, nous nous recouchions, scellant par une emprise amoureuse cette journée qui ne nous semblait pas avoir existé.

 

2. Etre Quentin qui ne veut pas céder à la haine.


Now I want you to tell me just one thing more. Why do you hate the South ?"

'I don't hate it,' Quentin said, quickly, at once, immediately; 'I don't hate it,' he said. I don't hate it he thought, panting in the cold air, the iron New England dark; I don't. I don't! I don't hate it! I don't hate it!

 

3. Donne-moi cinq minutes pour dire ce que j'ai à dire: jusqu'au bout, tu auras pris ce qu'il y avait à prendre et lorsqu'il n'y a plus rien eu à prendre, tu as filé. Au fond du gouffre que j'ai traversé, tu es venu pour en redemander encore. Tu as certainement compris qu'après cela, il n'y avait plus rien à tirer de moi. Alors tu as filé, et je sais que maintenant tu rases les murs. Tu n'es pas moins qu'un parasite et c'est bien logiquement que tu as choisi ce camp-là: les victimes sont seules et elles se réunissent pour devenir des martyrs. Ce qui m'ennuie le plus, c'est que je sais que tu n'es pas plus malheureux là-bas que tu ne l'étais ici, pas plus heureux avec eux qu'avec moi. Parce que rien ne te tourmente plus que toi-même et en choisissant la voie que tu as prise, tu ne fais que repeindre les murs de ta cage. Comme eux, tu seras toujours la victime de quelqu'un, parce que comme eux tu ne cesses de construire des barricades entre toi et le monde, ceci pour ton bien-être, ceci pour une morale qui repose bien moins sur l'amour universel du monde -- comme vous en avez la prétention -- que pour défendre votre propre petite personne. Repliés dans vos communautés, vous dites vivre comme des pirates, mais le territoire des pirates étaient les océans, non ce lopin de terre où ils se réunissaient pour y partager des butins. Vos lieux sont des forteresses, non des îles ouvertes aux quatre vents. Et toi, tu as finalement opté pour cet ostracisme alors que j'ai tout fait durant des années pour t'aider à être un peu plus au monde, pensant que ton plus grand mal était ta solitude. Mais je me suis trompé sur ton compte: ton plus grand mal n'est pas ta solitude, c'est l'image que tu te fais de toi, haute, grande, belle, hors-du-commun qui te conduit à cette solitude. Tu n'étais pas seul, tu étais seulement en manque d'admirateurs. Jamais, à mes yeux, tu ne seras grand, sache-le. Je n'ai d'estime que pour mes semblables.(...)


20 sept. 2009

19 sept. 2009

V

Au début tu ne comprends rien, tu dis que t'as chaud, qu'il fait froid, ton corps tremble, tu as des vertiges, tu as vomi toute la nuit et le matin tu ne te sens pas si bien que ça -- tu aurais espéré mieux mais tu ne regrettes rien, tu n'es pas déçu, tu ne t'attendais à rien, c'était devenu tellement tellement tellement tellement ennuyeux, ça aurait pu continuer longtemps, à te parler à te dire un jour le roi viendra et je porterai ses fripes, un jour je traverserai les mers d'un seul pas des choses comme celles-ci que personne n'entendait, c'était sur une petite scène, c'était une estrade éclairée par les écrans des téléphones portables, les spectateurs rivés sur les viseurs des appareils photo -- et maintenant tu te retrouves là, sans les choses dont tu parlais mais avec sur les bras les mots que tu utilisais, Mon Dieu, je comprends rien, tu vas vomir, tu reviens, tu fais un tour, reviens, pars, tu lèves les bras, retournes tes mains, tu fais l'idiot, ça te fait marrer, tu t'allonges, redeviens sérieux un instant, t'as ce mauvais goût au fond de la gorge, l'amertume te relie avec la fin de ce qu'il y avait avant, mais tu sais que lorsque tu ne seras plus amer, tu seras un vagabond, tu porteras ses fripes, tu auras sa maison, tu auras son soleil et ses nuits, tu seras le roi.


15 sept. 2009

Maigre

"Personne avant moi, dans cette langue, n'a écrit comme je le fais, comme j'ose le faire, et comme c'est mon plaisir, ma plénitude. Je sais que des dernières pages de Samora Mâchel, en Mai, je peux, les lisant ici, en réveiller les morts, de cet enclos, les notables et les obscurs, les honorés et les oubliés, les paysans, les ouvriers, les enfants, les femmes. Comment me faire moi-même à cette réalité de ma langue, de la langue de mon être avant que je sois? Comment apaiser la peur que j'en ai, la peur de l'Inconnu? Comment accepter cette voix transitoire dont j'entends déjà l'accomplissement?
De l'autre côté du mur -- je ne ressens aucune douleur de l'entorse qui me prendra le pied dès l'après-midi, l'amaigrissement et les cachets aidant, je ne souffre plus que d'une seule douleur, celle de cette langue dont je sais la beauté trop dure déjà pour moi, trop forte pour moi, qui me meus pourtant dedans avec science et plaisir, mais combien plus je me préférerais usant d'une langue lisible par tous dans l'immédiat (et pourtant...).
Cette langue dépasse ma pauvre force, elle va plus que ma pauvre volonté. Elle me scandalise, me fait rougir, à d'autres moments rire, non d'une langue de fou, mais d'artiste trop fort pour l'être, humain, que je suis encore; de prophète de moi-même donc." (Guyotat, Coma).
Alors je suis allé à la librairie pour voir ce que j'avais un jour entendu d'une lecture d'un texte de Guyotat -- mon expérience de lectures guyotiennes (inachevées, je précise) s'arrêtant aux très "classiques" Tombeau pour cinq cent mille soldats et Eden Eden Eden -- et prendre la mesure de quoi Guyotat parle, cette langue en laquelle il entre -- "j'entre en langue" me répète C., en retournant les mains comme si elle retournait une peau.

Le livre est Prostitution et l'image est prise sans l'accord du site.

14 sept. 2009

shaolin cowboy

1. Quelques mots de Méridien de sang de Cormac McCarthy. Tout comme pour La Route, on m'en avait fait les plus grandes louanges, et évidemment j'ai été déçu, sans pour autant que les deux ouvrages soient décevants. Donc Méridien de sang. S'il faut faire la critique de ce livre, autant commencer par faire la critique de la critique. Non, le juge n'est pas Achab ni Kuntz, comme j'ai pu le lire. Achab poursuit un destin, Kuntz est dans une volonté de puissance, le juge ne poursuit rien et ne se délire pas en Dieu-tout-Puissant -- et ce bouquin, ne parle pas de Bien et de Mal. Les ennemis ne sont pas les indiens, les espagnols, l'armée, l'ennemi est celui qui vous mène à la chute. Et ceux qui restent en vie à la fin du bouquin, sont ceux qui collent au plus près de la Nature, détachés de toute considération de Bien & et de Mal.
Le gosse ne tue pas le juge, et c'est en cela que le juge le reconnaît comme son fils, son héritier, la filiation ne tenant pas ici au partage de valeurs identiques mais à attitude identique, à une posture commune. On peut avoir en tête une scène clef du genre "western" où le cowboy demande à son jeune protégé de le tuer parce que selon l'"ordre du monde" il a commis une faute punie par la mort, et le protégé le tue et devient un homme, en dépit de la disparition de son symbolique père. Cette vision totalement manichéenne est celle du prêtre (chapitre de la poursuite du juge par le gosse), mais non celle du gosse qui n'a aucune raison de le faire puisque le juge ne l'a jusqu'alors jamais entraîné dans une quelconque chute. Et c'est lorsque le juge enferme le gosse que celui-ci finit son rite initiatique et s'affranchit du juge. L'enfant ne devient pas un homme en quittant son père mais lorsque le père cesse de le reconnaître comme un enfant. Et le gosse devient un juge, à sa façon, à sa manière. Il cesse de errer en apprenant le monde -- et celui-ci cesse d'être un désert dans lequel, durant 300 pages, les protagonistes se sont perdus, allant au hasard complètement hirsutes, ne voyant en lui que l'incarnation de l'Enfer, enfermés dans leur conception binaire du monde -- alors que le juge, en l'adoptant, en l'apprenant, en l'écrivant dans son carnet y voit autre chose. Le gosse, lui, ne voit rien, replié dans en cocon en formation duquel il en sortira pour prendre toute la mesure du monde (un peu comme moi, qui forge une autre idée du livre en écrivant ici cette notule et le découvre bien intéressant à posteriori qu'à sa lecture.)

2. Comme je n'ai pas le bouquin à mes côtés, je ne peux pas continuer à développer. Mais les grosses lignes de ma lecture sont là. En gros, voilà: Méridien de sang n'est pas un livre de cowboys mais plutôt un livre de shaolins, à l'époque de Lao-Tseu.

(Warren Oates, dirigé par Sam Peckinpah dans The Wild Bunch.)

9 sept. 2009

Sans surprise

1. Tu prends une voie et pour moi, elle est sans surprise. J'avais préfiguré la direction que tu as prise dans des notes pour une nouvelle dont je t'avais fait part du contenu et que tu n'avais certainement pas écouté. Rien ne m'étonne. Je ne suis pas triste de te voir partir dans cette direction; tu dois y trouver ton réconfort, après des années d'une solitude qui a toujours été ta croix. Ce jour où j'ai eu cette idée, je n'étais pas devin; comme le dit le personnage principal du dernier Allen "J'ai une vision globale". Il n'est pas si dur de savoir ce que certains vont devenir. Leur vie est dessinée en eux, en creux, dans leurs démarches, dans ce rapport qu'ils ont avec l'existence. Je ne suis pas exempt de cela. Il y avait chez toi cette peur du monde qui t'a rendu certainement malade. Tu as trouvé des amis qui te comprennent au-delà de la parole et des signes. Je doute que tu sois à présent guérie mais je sais que tu vas mieux.

2. J'aimerais ne pas devenir juge de cela.


3. Quelques notes à propos du bouquin de Cormac McCarthy Méridien de sang:
  • mise en miroir avec La horde sauvage de Peckinpah -- où l'on retrouve Holden, non plus personnage (le juge) mais acteur (William). Les deux oeuvres balisent une période de l'histoire américaine, traversée de part en part par la violence.
  • la Bible: le style "biblique" de McCarthy; cette terre est l'Enfer -- l'image récurrente du volcan, de la faille d'où s'échappent des animaux (chauve-souris) et laissent des empreintes (l'histoire racontée par l'un d'eux où il fait référence aux traces de diablotins). 
  • la figure du juge et celle des éclaireurs.
4. Reprise du travail sur win.rtf, après deux semaines et demi sans une ligne, sans consacrer une seule seconde de réflexion.

5. C. & les nuits folles. Retourné au cinéma & à la lecture. L'étrange rapport au sentiment amoureux, la désacralisation de l'affectif. Où comment être confronté à l'étroitesse de son esthétique. Whatever works. Le dernier Allen ne délivre pas une morale. Il s'évertue à briser les dimensions du Bien & du Mal. On pourrait parler d'éthique.

2 sept. 2009

Bob Dylan

1. Bob Dylan. Depuis maintenant une vingtaine d'années que je m'intéresse à la musique populaire, Dylan demeurait un objet inconnu dont je me méfiais pour tout ce qu'il symbolisait en tant que vieille garde hippie. Il y avait bien évidemment quelques tubes (I Want You) qui ne me laissaient pas indifférent mais non, je résistais -- et la violence de ma découverte n'est pas moins révélatrice de cette résistance. Grâce à Dylan, je sais qu'il est encore possible de pleurer à 36 ans sur une chanson comme mes 16 ans me le permettaient alors. Love Minus Zero/No Limit est certainement l'une des plus belles chansons de l'histoire de la musique populaire et probablement l'un des piliers pour son orchestration -- tout le jingle-jangle, la pop twee, les arpèges des Byrds, des Smiths, des Beatles, lui doivent beaucoup; la simplicité du roulement de batterie, l'utilisation tout le long du morceau du ride forge grosso modo un style, qui va de Knives Out de Radiohead, à Some Girls Are Bigger des Smiths, les Byrds dans leur intégralité. Et puis il y a la mélodie, et puis il y a la fin du morceau. Et puis il y a
She knows there's no success like failure
And that failure's no success at all.



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(Elle me demanda la nuit qui suivit à quoi je pensais. Et je lui dis
A cette chanson de Dylan. Et elle sembla rassurée.)

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Queen Jane Approximately.

Mais tout cela est révélateur de bien autre chose; je disais encore Cette année 2009, c'est démentiel, rarement les choses m'auront semblé aussi simples -- et même lorsque des difficultés se présentaient -- entre autre ces deux mois terribles à creuser ma propre tombe -- il y avait toujours un moyen pour s'en sortir. On dira qu'en 2009, j'ai eu 20 ans.


2. Je reviendrai sur une analyse du projet en cours. Où comment aborder le problème par le personnage et non plus par l'histoire.