1. En dépit de nos différences, nous nous remplissions l'un l'autre d'une confiance qui n'avait pas de limite -- l'un l'autre, durant ces longues heures où nous nous enivrions, nous revisitions ces territoires que nous avions découverts seul -- alors seul, emporté par la puissance des rêves et le doux confinement d'une solitude joyeuse, chacun mesurait la grandeur de ses possibilités, l'envergure de ses membres et la longueur de ses foulées -- et mis ensemble, grâce à l'alcool et certainement à l'amour, nous nous glorifions au-delà de toute raison durant des heures, jusqu'au matin où nous nous endormions sans prendre la peine de nous dévêtir. Nos réveils avaient l'âcre saveur du tabac froid et l'acidité des mauvais vins. Plusieurs heures après, nous marmonnions, incompréhensibles, la bouche pâteuse et la gorge sèche. Et avant la tombée de la nuit, nous nous recouchions, scellant par une emprise amoureuse cette journée qui ne nous semblait pas avoir existé.
2. Etre Quentin qui ne veut pas céder à la haine.
Now I want you to tell me just one thing more. Why do you hate the South ?"
'I don't hate it,' Quentin said, quickly, at once, immediately; 'I don't hate it,' he said. I don't hate it he thought, panting in the cold air, the iron New England dark; I don't. I don't! I don't hate it! I don't hate it!
3. Donne-moi cinq minutes pour dire ce que j'ai à dire: jusqu'au bout, tu auras pris ce qu'il y avait à prendre et lorsqu'il n'y a plus rien eu à prendre, tu as filé. Au fond du gouffre que j'ai traversé, tu es venu pour en redemander encore. Tu as certainement compris qu'après cela, il n'y avait plus rien à tirer de moi. Alors tu as filé, et je sais que maintenant tu rases les murs. Tu n'es pas moins qu'un parasite et c'est bien logiquement que tu as choisi ce camp-là: les victimes sont seules et elles se réunissent pour devenir des martyrs. Ce qui m'ennuie le plus, c'est que je sais que tu n'es pas plus malheureux là-bas que tu ne l'étais ici, pas plus heureux avec eux qu'avec moi. Parce que rien ne te tourmente plus que toi-même et en choisissant la voie que tu as prise, tu ne fais que repeindre les murs de ta cage. Comme eux, tu seras toujours la victime de quelqu'un, parce que comme eux tu ne cesses de construire des barricades entre toi et le monde, ceci pour ton bien-être, ceci pour une morale qui repose bien moins sur l'amour universel du monde -- comme vous en avez la prétention -- que pour défendre votre propre petite personne. Repliés dans vos communautés, vous dites vivre comme des pirates, mais le territoire des pirates étaient les océans, non ce lopin de terre où ils se réunissaient pour y partager des butins. Vos lieux sont des forteresses, non des îles ouvertes aux quatre vents. Et toi, tu as finalement opté pour cet ostracisme alors que j'ai tout fait durant des années pour t'aider à être un peu plus au monde, pensant que ton plus grand mal était ta solitude. Mais je me suis trompé sur ton compte: ton plus grand mal n'est pas ta solitude, c'est l'image que tu te fais de toi, haute, grande, belle, hors-du-commun qui te conduit à cette solitude. Tu n'étais pas seul, tu étais seulement en manque d'admirateurs. Jamais, à mes yeux, tu ne seras grand, sache-le. Je n'ai d'estime que pour mes semblables.(...)