14 avr. 2005

togi

Un jour, je découvrirai une photo de nous; peut-être cela sera une personne que nous aurons eu en commun qui me la montrera, une photographie parmi tant d'autres prise lors d'une soirée, où nous apparaitrons tout deux là l'un à côté de l'autre, souriant benoîtement un verre à la main, des cotillons dans les cheveux et une cigarette en bouche, une mise au point floue sur nos vêtements comme des déguisements ridicules pour une soirée costumée (je sourirai alors en la voyant, malgré la nostalgie de notre rupture -- je sourirai malgré ton sourire sur cette photographie, des lèvres débordant de ton visage et ma gêne diffuse d'apparaître là à côté de toi,
-- peut-être s'agira-t-il d'une photographie tombée d'un carton lors d'un déménagement; alors je me souviendrais de l'instant où cette photographie aura été prise, dans un pays étranger où nous étions bien plus explorateurs que simples touristes, où tu aurais conduit ce garçon qui était déjà un homme et que j'étais alors, toi l'exploratrice et moi le casanier, m'extirpant de cet enclos où tu étais venue me chercher et dans lequel je t'avais faite prisonnière bien malgré toi -- malgré ce pouvoir de séduction que j'ignorais alors avoir sur toi --,
-- toi & moi sur cette photographie, toi plus grande que moi et moi plus petit que toi -- nos épaules aux largeurs différentes mais nos sourires benoîts identiques de jeunes amoureux que nous ne serions alors plus, nos cheveux enneigés de cotillons et des boas de guirlandes en papier autour de nos cous,
(et je repensais alors à ce stupide acteur juif qui s'était marié plusieurs fois avec des filles plus grandes et plus belles que lui) -- et c'était une raison suffisante pour me sentir plus fort que les regards que l'on pouvait nous jetait -- plus fort que ce regard que je jetterais lorsque je retrouverais un jour cette photographie --
un jour, je découvrirai cette photographie, prise au hasard d'une soirée, et je nous entendrais dire "c'est n'importe quoi!, nous faisons n'importe quoi" et après avoir entendu cela, je reverrais ton visage que je voyais quand j'ouvrais mes yeux, quand ma machoire me faisait mal tant j'aimais t'embrasser,
"c'est n'importe quoi!, nous faisons n'importe quoi!" et nous nous embrassions dans la douleur de nos dents entrechoquées et ton menton rougi par ma barbe drûe,
"c'est n'importe quoi! -- ouais, c'est n'importe quoi!"
Ouais! , c'est n'importe quoi! c'est n'importe quoi comme tout ce qui n'est plus concevable. Et comme tout ce qui n'est pas concevable -- le magicien qui découpe son assistante en deux, les extra-terrestres, Dieu
& le Diable, l'Amour & l'Amitié, la guerre et le parfum inné des filles,
-- tout ce qui n'est pas concevable -- les filles amoureuses de vous, les garçons amoureux de vous --, la gentillesse des vieilles dames,
-- tout ce qui n'est pas concevable -- l'intelligence dans le regard des chats, l'Humanité & l'origine du monde,
-- tout ce qui n'est pas concevable -- toi & moi, et l'un sur l'autre, le bleu du ciel & le reflet de la mer qui ne ferait qu'un,
-- "c'est n'importe quoi!" nous nous écriions, là dans l'alcôve de nos chambres --
-- et comme tout ce qui n'est pas concevable, nous vivions ces instants avec l'imprudence nécessaire pour savourer avec justesse ce qui est inconnu.