23 janv. 2011

La ville (2) : la ville est une autre

La ville est une autre pour le corps malade. Ses rues deviennent celles d'une autre -- une ville que seul le corps malade perçoit, parcourt à sa vitesse propre. Les passants ne sont plus vraiment les mêmes, ils sont moins attentifs à cette personne qu'ils croisent et dont ils ne savent que faire de son allure -- ils ont des réactions hasardeuses, imprévisibles, hésitantes, et cette démarche fébrile attire les prédateurs, les vendeurs de nougats au prix d'un bras. Parmi cette foule où chaque geste a une portée précise, une utilité (une chorégraphie) -- attraper la main courante dans le bus, se glisser entre deux vieilles dames dans une queue chez le boulanger -- là, le corps malade ébauche une activité qui ne trouve pas toujours sa finalité -- il était parti chercher des légumes, il revient avec une baguette-plaque mal cuite, ce pain qu'il n'aime pas et qu'il ne mangera pas.

(Brouillonné en avril 2009)