Le cri d'Albert Ayler
Comment finir? On ne sait pas. Et l'on ne sait pas parce qu'on ne veut pas. Personne ne veut vraiment. Quand on est au fond d'une impasse, qu'est-ce qu'on fait? A moins de s'y complaire, d'y trouver une espèce d'accomplissement, on peut s'asseoir et décider de se taire; ou se raconter à mi-voix qu'on est ailleurs et arriver à le croire; ou revenir sur ses pas pour tenter de découvrir n'importe où n'importe quelle issue; ou se réfugier dans ses souvenirs; ou encore se cogner la tête contre le mur pour casser le mur ou la tête, ou les deux à la fois; ou se figurer qu'on s'élève, qu'on s'évade par en haut; ou prier pour que vienne vite la fin qui, puisqu'on s'adresse à quelqu'un qui a pouvoir sur elle, ne sera donc pas vraiment la fin; ou entreprendre des réussites. On peut aussi nier la fin ou se mettre à hurler jusqu'à ce qu'elle se produise.
Jacques Réda, ext. de
L'Improviste, une lecture du jazz.