A propos de la mort. Spinoza, Ethique IV, prop. XXXIX, scolie -- à partir duquel François Zourabichvili écrit: “progresser, c’est plus profondément apprendre à se conserver; et l’œuvre de conservation est constamment en bute à la question de la transformation”, tout son bouquin Le conservatisme paradoxal de Spinoza reposant sur ce scolie – et dont la lecture des premières pages me plonge dans une profond sentiment d’ici-maintenant – connecté comme nous disons.
On expliquera dans la cinquième partie jusqu'à quel point tout cela peut nuire au corps ou lui être utile. Je ferai seulement remarquer ici que j'entends par la mort du corps humain une disposition nouvelle de ses parties, par laquelle elles ont à l'égard les unes des autres de nouveaux rapports de mouvement et de repos ; car je n'ose pas nier que le corps humain ne puisse, en conservant la circulation du sang et les autres conditions ou signes de la vie, revêtir une nature très différente de la sienne. Je n'ai en effet aucune raison qui me force à établir que le corps ne meurt pas s'il n'est changé en cadavre, l'expérience paraissant même nous persuader le contraire. Il arrive quelquefois à un homme de subir de tels changements qu'on ne peut guère dire qu'il soit le même homme. J'ai entendu conter d'un poète espagnol qu'ayant été atteint d'une maladie, il resta, quoique guéri, dans un oubli si profond de sa vie passée qu'il ne reconnaissait pas pour siennes les fables et les tragédies qu'il avait composées ; et certes on aurait pu le considérer comme un enfant adulte, s'il n'avait gardé souvenir de sa langue maternelle. Cela paraît-il incroyable ? Que dire alors des enfants ? Un homme d'un âge avancé n'a-t-il pas une nature si différente de celle de l'enfant qu'il ne pourrait se persuader qu'il a été enfant, si l'expérience et l'induction ne lui en donnaient l'assurance ? Mais pour ne pas donner sujet aux esprits superstitieux de soulever d'autres questions, j'aime mieux n'en pas dire davantage.
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